Évènements

Journée d'études : Musique et mémoire en contexte oral, coordoné par Hugo Ferran et Aurélie Helmlinger

Journées d’étude

Lundi 01 Juin 2015 09:45 - 16:45
Salle 308F du LESC (3e étage)
MSH Mondes (bât. Ginouvès)
21, allée de l’Université, Nanterre

Présentation

Ren Magritte Clairvoyance 1936 MoMAJournée d’étude organisée par Hugo Ferran et Aurélie Helmlinger
 
Dans les situations de transmission orale, la reproduction de la musique repose  entièrement sur la mémoire des musiciens. La musique est dans ces cas-là rarement répétée à l’identique, bien qu’elle reste reconnaissable par la communauté : les pièces, les  formes ou les rythmes, sont aisément identifiés. Les ethnomusicologues ont souvent expliqué cette plasticité musicale en terme de création, d’improvisation ou de variation.  Dans tous les cas, il s’agit de savoir quels mécanismes (sociaux, culturels, cognitifs) sous-tendent non seulement l’identification de la musique, mais aussi les actions des  musiciens en cours de performance. Ainsi, les musiciens se laissent-ils guider par une référence mentale, sorte de « partition intérieure », ou se réfèrent-ils à un ensemble de règles qui forme système ? De telles interrogations ont conduit les chercheurs à réévaluer leurs propres catégories à la lumière de celles rencontrées sur le terrain.

Cette journée d’étude propose de relancer le débat sur la modélisation et la catégorisation musicale, à partir de données récentes collectées sur une grande variété de terrains (Madagascar, Centrafrique, mouvements charismatiques catholiques, Éthiopie, Trinidad et Tobago).

Intervenants : Marc Chemiller (EHESS, CAMS), Susanne Fürniß (CNRS, EAE), Hugo Ferran (CREM-LESC), Aurélie Helmlinger (CNRS, CREM-LESC), Olivier Tourny (CNRS, IDEMEC-École Française de Rome).

Programme

9h45-12h45 : Première session

30 mn de présentation, suivies de 30 mn de discussion

coordonnée par Rosalia Martinez (Paris 8 – CREM-LESC)

Susanne Fürniss. Épure, modèle et stock de mélodies : où puiser l'inspiration dans le chant polyphonique aka ?

Aurélie Helmlinger.Comment mémorise-t-on un rythme ? Le cas du calypso comme genre rythmique, à Trinidad et Tobago.

Hugo Ferran. Musique et mémoire chez les Maale du Sud-ouest éthiopien : entre savoir collectif et individuel

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12h45 : Pause déjeuner

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14h-16h30 : Deuxième session

30 mn de présentation, suivies de 30 mn de discussion

coordonnée par Jean-Pierre Estival (IMinistère de la Culture, CREM-LESC)

Marc Chemillier. Modèle, mémoire, identification : étude comparée des répertoires de harpe nzakara et de cithare malgache

Olivier Tourny. Avec l’aide du Saint Esprit. La mémoire « révélée » du chant en langues des mouvements charismatiques catholiques

16h-16h45 :

Table-ronde, animée par Jean During (CNRS– CREM-LESC)

Résumés

Épure, modèle et stock de mélodies :

où puiser l'inspiration dans le chant polyphonique aka ?

Susanne Fürniss

L'étude de la systématique des musiques d'Afrique centrale a largement bénéficié des apports théoriques et méthodologiques de Simha Arom. En effet, grâce au procédé expérimental du re-recording, il a rendu possible la mise au jour des modèles mélodico-rythmiques qui constituent la référence mentale pour les musiciens. Equivalent de "réalisation minimale" et d'"épure", la notion de "modèle" utilisée par S. Arom pose la question de la nature des éléments musicaux utilisées pour "habiller" le modèle et le rendre vivant au cours d'une performance. À l'aide d'exemples de la polyphonie vocale des Aka de Centrafrique, ma contribution interrogera différents niveaux de modèles, ainisi que les procédés qui permettent de créer des parcours variables à travers le matériel musical de base.

Comment mémorise-t-on un rythme ?

Le cas du calypso comme genre rythmique, à Trinidad et Tobago.

Aurélie Helmlinger

Ce travail s’interrogera sur l’application de la notion de modèle, proposée par Simha Arom, dans le contexte de grande plasticité formelle et instrumentale observée à Trinidad et Tobago. Les sociétés créoles post-esclavagistes semblent en effet caractérisées par leur créativité musicale et leur dynamisme stylistique, et le calypso (comme genre rythmique), témoigne de cette variabilité formelle. Un modèle peut-il se dégager de toutes ces occurrences ? Malgré cette souplesse, ce rythme est suffisamment normé pour avoir un rôle central dans les processus d’appropriation du répertoire : en steelband, des pièces étrangères sont fréquemment adaptées par leur interprétation en calypso. Le contexte de compétions musicales pousse aussi à la formalisation, et les musiciens interrogés sur une définition du calypso sont volontiers enclins à dégager des principes d’identité rythmique. Mais les critères choisis réduisent en réalité le rythme calypso à quelques traits finalement en deçà de la réalité musicale.

On s’interrogera sur la question de la modélisation rythmique dans le cas du rythme calypso, en tenant compte des recherches en sciences cognitives montrant l’importance statistique dans la cognition humaine.

Musique et mémoire chez les Maale du Sud-ouest éthiopien :

entre savoir collectif et individuel

Hugo Ferran

Cette présentation examinera comment les Maale du Sud-ouest éthiopien apprennent, mémorisent et conceptualisent les pièces contrapuntiques de leur répertoire. Il ressortira que les enfants commencent par écouter, observer et mémoriser les variantes de la partie qu’ils souhaitent réaliser. Tout apprenti musicien se crée ainsi un "stock" individuel de variantes dans lequel il puisera librement lorsqu’il sera amené à exécuter la partie en question. Par souci d’économie, l’esprit va progressivement synthétiser les variantes mémorisées en un modèle plurivocal qui, non seulement contient toutes les variantes connues de la partie, mais permet aussi de générer des variantes encore jamais entendues. Contrairement aux phénomènes observés en Centrafrique, le contrepoint maale ne procède pas d’une épure par partie constitutive. Chacune d’elles est sous-tendue par un modèle plurivocal qui laisse aux musiciens la possibilité de choisir entre plusieurs parcours mélodico-rythmiques. Si ce type de modèle semble relever d’un savoir partagé collectivement, il s’agira de savoir comment celui-ci est réalisé individuellement.

Modèle, mémoire, identification :

étude comparée des répertoires de harpe nzakara et de cithare malgache

Marc Chemillier

Le modèle dans la conception aromienne, version épurée d'une pièce qui suffit à l'identifier, possède deux caractéristiques essentielles. D'une part, il est réduit par rapport aux données musicales qu'il modélise, d'autre part il est unique pour une pièce donnée.

On propose comme hypothèse que la première caractéristique est universelle alors que la seconde est dépendante du contexte culturel. En effet, l'aspect réducteur du modèle est sans doute lié au fonctionnement de la mémoire. On montera l'exemple d'un air malgache qui est mémorisé par les musiciens avec différents niveaux de réduction selon que l'on est proche de sa source (Tananarive) ou plus éloigné (Sud du pays). En revanche, l'unicité du modèle ne semble pas être une propriété cognitive universelle, mais plutôt une conséquence de l'usage qui est fait de la musique dans un contexte social donné. Chez les citharistes malgaches, chaque pièce comporte plusieurs modèles, qui sont des variantes simplifiées interchangeables et suffisantes en elles-mêmes pour identifier la pièce. Chez les Nzakara d'Afrique centrale, au contraire, le modèle d'une pièce est unique parce que chacune d'elles avait une fonction bien définie dans le contexte des anciennes cours Bandia. On peut imaginer que le rôle social attribué à chaque pièce crée un mécanisme de renforcement analogue au mécanisme de réduction de la mémoire dans le sens où les variantes inutiles se trouvent progressivement éliminées au profit d'un modèle unique qui suffit à remplir le rôle que doit jouer la pièce au sein de la société.

Avec l’aide du Saint Esprit. La mémoire « révélée » du chant en langues des mouvements charismatiques catholiques

Olivier Tourny

Après le Concile Vatican 2, les couvents et paroisses catholiques du monde se sont trouvées face à un challenge extraordinaire et à une angoisse profonde : chanter comme elles veulent et dans la langue qu’elles veulent. Vous vouliez la liberté ? Débrouillez vous avec elle... Et chacun à bidouiller musicalement dans son coin ; avec plus ou moins de bonheur.

Au sein de ces « laboratoires » a émergé un courant, finalement adoubé par l’Église de Rome, celui des Charismatiques. Il est difficile d’identifier les origines et les sources de ce(s) mouvements(s), tant les influences sont grandes, bien que l’on sache à présent qu’il est (était) une proposition de réaction et de réponse aux puissants courants évangélistes d’outre-Atlantique. Une histoire à écrire donc, mais dont l’une des manifestations les plus inédites est à l’évidence la glossolalie, ou chant en langues.

Le chant en langues est une résurgence – une volonté de renaissance – de l’expérience de la Pentecôte, où suite à la résurrection du Christ, les Apôtres reçoivent la grâce de l’Esprit Saint de porter la Bonne Parole en toutes langues. De nos jours, lors d’offices ou de temps de prières, un temps est laissé aux mouvements charismatiques de renouer avec cette expérience en priant et en chantant en langues. Se pose alors la question suivante : en quoi une louange collective révélée par l’Esprit Saint, spontanée et improvisée, serait-elle porteuse de mémoire ? Ces interrogations seront éclairées à la lumière de données ethnographiques collectées à Rome.

LESC CREM Picto C webLe séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.

Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.

La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.

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