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L'origine symbolique du social : de Claude Levi-Strauss à John Searle. Vincent Descombes (EHESS, CESPRA)

Anthropologie à Nanterre

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Tuesday 23 January 2018 16:00 - 18:00
Bâtiment Ramnoux (E), salle E105 (1e étage)
200 avenue de la République, Nanterre

Présentation

Aujourd’hui, plusieurs penseurs cherchent à éclaircir la notion d’institution sociale au moyen d'une « ontologie sociale », elle-même fondée sur une philosophie de l'esprit. Ainsi, John Searle, dans The Construction of Social Reality (1995), se sert de la notion d’« intentionalité collective » pour proposer une théorie générale des phénomènes de type institutionnel et linguistique. On pourrait dire que Searle, armé d’une philosophie analytique du langage (et de l’esprit), s’attaque au problème anthropologique tel que l’avait posé Lévi-Strauss.

Ce dernier s’était heurté à une difficulté qu’il formulait ainsi : on doit tout à la fois opposer culture et nature et indiquer comment la culture fait partie de la nature. Dans un premier temps, Lévi-Strauss posait une opposition tranchée entre le monde de la nature et celui de la culture. Il avait d’abord posé un principe qui a été reçu comme fondateur de l’école structuraliste : le symbolisme est constitutif du social. Lévi-Strauss écrivait ces lignes devenues classiques :

[…] Mauss croit encore possible d’élaborer une théorie sociologique du symbolisme, alors qu’il faut évidemment chercher une origine symbolique de la société. (in : Mauss, Sociologie et anthropologie, p. XXII.)

Plus loin dans le même texte, il identifiait le lieu préhistorique de la discontinuité entre la nature et la culture comme le moment de l’apparition du langage. Il écrivait :

Quels qu’aient été le moment et les circonstances de son apparition dans l’échelle de la vie animale, le langage n’a pu naître que tout d’un coup. Les choses n’ont pas pu se mettre à signifier progressivement. A la suite d’une transformation dont l’étude ne relève pas des sciences sociales, mais de la biologie et de la psychologie, un passage s’est effectué, d’un stade où rien n’avait de sens à un autre où tout en possédait. (ibid., p. XLVII.)

Ensuite, Lévi-Strauss a indiqué que cette thèse de la discontinuité n'était qu'une première étape de la théorie. En fait, la culture, après avoir été opposée à la nature, doit être résorbée en elle. Lévi-Strauss, dans La Pensée sauvage, espérait qu'il serait bientôt possible de trouver un pont entre le monde du sens (l’ « univers des règles » des Structures élémentaires de la parenté) et le monde physique grâce à la théorie de l'information.

Il est remarquable que la théorie sociale de Searle (dont le principe est une théorie des actes de parole intégrée à une philosophie de la conscience) retrouve les apories du structuralisme classique. D'abord, l'accent est mis sur une discontinuité — une différence d'ordre — entre nature et culture. Mais Searle pose que notre ontologie doit être conforme à une vision scientifique du monde, donc, croit-il, physicaliste. Du coup, il doit être possible de tracer une ligne continue menant des molécules aux États nationaux (trad., p. 61).

Searle, dans son livre, propose un schéma de construction mentale collective des faits institutionnels. Ce schéma permet, selon lui, de comprendre comment il peut y avoir des phénomènes tels que la culture et les conventions humaines dans un univers purement naturel. Pour en faire voir la possibilité, Searle a imaginé une petite fable (la fable du mur d’enceinte) qui doit nous faire assister à la transition d’un état de pure nature à un état de société instituée (trad. p. 59-61). Nous nous demanderons quelle moralité tirer de cette fable philosophique.

Références
Lévi-Strauss C., Les structures élémentaires de la parenté, Paris, PUF, 1947.
—, « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », in : Mauss (1950).
—, La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
Mauss M., Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950.
Searle, J., La Construction sociale de la réalité [1995], trad. C. Tiercelin, Paris, Gallimard, 1998.


Affiche AAN2223« Anthropologie à Nanterre » est un séminaire d’anthropologie généraliste, organisé par le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative et le Département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre. Le séminaire a lieu un mardi sur deux de 14h à 16h à la MSH Mondes, bâtiment René-Ginouvès, salle 308F (3e étage).

Le programme : semestre 2

Les séances sont ouvertes à toutes et tous.

Organisation : Estelle Amy de la Bretèque, Emmanuel de Vienne (semestre 1) ; Pascale Dollfus, Anne Yvonne Guillou (semestre 2)

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