Thèmes de recherche principaux
Résumé
Docteur en musicologie de l’Université Paris 8 (mention du prix de thèse du musée du quai Branly – 2017), Anis Fariji est actuellement chercheur post-doctoral au Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor/EHESS), et collabore avec le Centre Jacques-Berque au Maroc (CNRS/USR3136). Associé également à MUSIDANSE (Paris 8) et au LESC-CREM (Paris Nanterre), il participe régulièrement à leurs activités. Ses recherches portent sur deux axes. Un axe musicologique, portant sur l’analyse de la dimension interculturelle dans la musique contemporaine, en lien particulièrement avec les cultures du monde arabe et de la Méditerranée. Et un axe ethnomusicologique, qui, au travers d'enquêtes de terrain, s’intéresse aux formes des récitations cultuelles dans l’islam (Coran et autres corpus homologues). Ses recherches mobilisent nombre de catégories telles que "interculturalité", l’ "oralité/écriture", la "tradition", la "contemporanéité" et l’ "industrie culturelle", ainsi que celles spécifiques à l’anthropologie religieuse, telles que "sacré/rituel", "fête" et "jeu". Anis Fariji est, du reste, titulaire d’un Premier Prix de formation musicale du Conservatoire de Caen où il a également poursuivi des études en cycle spécialisé de guitare classique, de musique de chambre, d’écriture musicale et de composition.
Main research themes:
- Cultural recitations in Islam
- Religion and aesthetic experience
- Musical creation in the Arab world and the Mediterranean
- The intercultural dimension of contemporary music
Summary:
A doctor in musicology at University of Paris 8 University (mention of the thesis prize of the musée du quai Branly - 2017), Anis Fariji is currently a postdoctoral researcher at the Center for Studies in Religious Social Sciences (CéSor / EHESS), and collaborates with the Jacques-Berque Center in Morocco (CNRS / USR3136). Also an associated member of the MUSIDANSE (Paris 8) and the LESC-CREM (Paris Nanterre), he regularly participates in their activities. His research is structured around two principal topics. A musicological axis, dealing with the analysis of the intercultural dimension in contemporary music, particularly in relation with the cultures of the Arab world and the Mediterranean. And an ethnomusicological axis, which, through field surveys, is interested in the forms of cultural recitations in Islam (Qur’an and other homologous corpus). His research mobilizes many categories such as "interculturality", "orality / writing", "tradition", "contemporaneity" and "cultural industry", as well as those specific to religious anthropology, such as "sacred / ritual", "party" and "game". Anis Fariji is, moreover, the holder of a first prize of musical training of the Conservatory of Caen where he pursued specialised studies in classical guitar, chamber music, and music writing and composition.
Ahmed Essyad est un compositeur marocain né à Salé en 1938. Après une jeunesse passée au Maroc et un début de formation musicale au Conservatoire de Rabat, il part en France en 1962 où il rencontre Max Deutsch, dont il suivra l’enseignement et avec qui il collaborera durant une vingtaine d’années. Formé à l’héritage esthétique de la Seconde école de Vienne, Essyad n’aura de cesse cependant de sonder les potentialités des musiques de tradition orale, notamment celles de sa culture d’origine, afin de les recueillir dans sa musique tout en évitant le piège de l’exotisme vulgaire. Dans cet entretien, nous nous arrêtons avec lui sur un certain nombre de questions que soulève une telle démarche, questions que nous présentons suivant quatre axes : 1) l’intégration du matériau mélodico-rythmique ; 2) la question de la forme ; 3) l’apport du texte et de la langue, ainsi que les questions de l’expression et de l’interprétation ; et 4) la question de la modernité musicale au regard des traditions orales et de l’interculturalité.
Le maqām a été largement investi comme matériau de prévalence par les différentes démarches compositionnelles liées au monde arabe. Cela tient certainement à son potentiel expressif, tout comme à sa forte connotation culturelle qui le distingue au sein de la diversité musicale mondialisée. Les trois compositeurs de la musique contemporaine, Ahmed Essyad, Zad Moultaka et Saed Haddad, ne dérogent pas à cette orientation. En parcourant les différentes techniques avec lesquelles ces trois compositeurs intègrent le maqām dans leurs œuvres, cet article montre que le rapport à ce matériau demeure néanmoins problématique. Car si le maqām injecte dans l’œuvre une matière d’expression stimulante, il peut tout aussi bien y apparaître comme élément de connotation usée. Il s’agit dès lors d’un rapport de forces entre le compositeur et le matériau traditionnel avec quoi il doit négocier dans le détail et la singularité de chaque œuvre.
En vertu de leur position interculturelle, des compositeurs sud-méditerranéens se réapproprient des formes traditionnelles de leurs cultures d’origine. C’est le cas de la cantillation religieuse dont la structure resurgit chez les trois compositeurs Ahmed Essyad, Zad Moultaka et Saed Haddad. Dès lors, elle instaure une temporalité de la stase, laquelle prend différentes valeurs selon chaque contexte.
La récitation collective du Coran dans les mosquées, à caractère rituel, représente une pratique typique du Maghreb. Le principe du recto tono qu’adopte la forme vocale de la récitation du ḥizb apparaît comme la résultante de la jonction des deux dimensions du sacré et de l’espace (ouvert). Cette étude, réalisée d’après une enquête à Casablanca, tente de rendre compte d’une telle corrélation entre forme vocale et contenu rituel.
La récitation du Coran a ceci d'ambivalent qu'elle suscite d'elle-même une apparence esthétique, en même temps qu'elle exerce une certaine pression sur le profil mélodique résultant. Une telle tension immanente s'avère d'autant plus exacerbée dans le style muǧawwad que celui-ci pousse la musicalité de la récitation à un haut niveau. Il en découle alors certaines valeurs formelles, induites par cette même dimension sacrée du Texte proféré, dont l'improvisation et la labilité mélodique.
Zad Moultaka, compositeur franco-libanais, réinvestit le matériau musical de la culture d’origine – proche-orientale – à partir de l’univers de la musique contemporaine. Un tel rapport distancié participe de renouveler la perception même de l’héritage traditionnel, de sorte que certaines qualités propres, qui ont dû être peu considérées dans leur milieu culturel d’origine, apparaissent porteuses de potentiel esthétique d’une certaine acuité. Tel semble être le cas de l’hétérophonie. En cela, la démarche de Moultaka paraît homologue de celle de José Evangelista qui, par un regard distancié également, emprunte le procédé hétérophonique et le principe de la ligne monodique qu’il suppose, à partir de certaines traditions asiatiques. C’est certainement en sa qualité de texture « flottante », ayant valeur de mimésis plutôt que d’une rationalité stricte, que ce procédé éminemment oral se trouve ainsi intégré dans la musique des deux compositeurs. Aussi, chez Moultaka, l’hétérophonie ne vaut-elle plus tant en soi qu’elle n’advient à travers différentes configurations. En étant transposée, mise en relation avec d’autres procédés d’écriture, la technique traditionnelle orale laisse dès lors émerger une diversité de valeurs esthétiques intrinsèques.
Entretien avec Zad Moultaka Anis Fariji : L'espace occupe une place centrale dans votre oeuvre. Certes, la spatialisation est devenue une dimension à part entière dans la musique contemporaine, investie en tant que telle. Pourriez-vous préciser, toutefois, ce qui vous conduit personnellement à donner une telle importance à l'espace ? Zad Moultaka : Il y a pour cela différentes raisons. La première, contingente, si je puis dire, est que je suis issu d'une famille de metteurs en scène et comédiens. Mes parents sont en effet des gens de théâtre. J'ai grandi ainsi dans un milieu où la salle de spectacle, la scène, les lumières, la scénographie, tout cela faisait partie du quotidien. Aussi la pratique artistique, plus généralement, s'est-elle associée, pour moi, avec le travail dans l'espace, avec l'espace. Un deuxième élément pourrait également expliquer mon intérêt pour la spatialisation musicale, c'est ma fascination pour les mythes, dans le sens le plus large du terme. À plusieurs reprises, dans mon travail de création, j'ai interrogé telle ou telle représentation mythique. Je l'ai fait souvent tout en ayant à l'esprit le caractère rituel qui est associé à cette notion, et à plus forte raison à la dimension spatiale que les rituels supposent. J'évoque enfin une troisième piste, plus intime, qui me conduit à penser l'espace dans la création musicale : c'est le fait même que je me considère comme dans un « ailleurs » permanent ; entre mes origines proche-orientales et mon enfance, d'une part, et mon vécu, mon parcours d'artiste et mon activité de création en 441
Cours ponctuels, par invitation :
2017-2020 : Chargé de coordination du programme ILM "L’enseignement de l’islam au Maroc (18e-21e siècles) : islamologie et sciences sociales", dirigé par Sabrina Mervin (Agence Nationale de Recherche ; Centre Jacques Berque - USR 3136).
2013-2018 : Co-responsable, avec Jean Paul Olive, du programme "Modernité et composition musicales autour de la Méditerranée" (Musidanse E.A. 1572, Paris 8).