Les Gnawa sont, au sens large, une communauté marocaine d'adeptes (musiciens, officiants, "possédés") qui se réunit dans un rituel de transe nocturne baptisé la lîla (qui signifie en arabe dialectal : "une nuit").
La musique, la danse puis la transe - qui se distingue de la première selon les croyances des intéressés, lesquelles affirment que la transe est due à l'intervention des génies invisibles - sont omniprésentes dans cette célébration : il s'agit fondamentalement d'appeler des invisibles à joindre la communauté des humains. De la capacité du maître de musique à jouer durant la lîla aux instruments même du rituel, ceux-là sont pour les Gnawa au centre de la performance. Sans leur présence, le rituel est dit "froid".
Parmi les problématiques que soulève le concept d'agentivité (qu'on définira grossièrement comme la capacité d'action concédée à des non-humains), il y a celle de la nature et des modes d'action des génies vis-à-vis des pratiques rituelles et musico-chorégraphiques des Gnawa.
Après un examen des conceptions et des actions propres au rituel, je m'intéresserai à la scène en me posant la question du changement de contexte : leur musique se réduit-elle à "elle seule" lorsque les Gnawa franchissent les estrades ? Et si oui, qu'est-ce qui diffère précisément du rituel ?
Enfin, comment, s'agissant d'une rencontre entre visibles et invisibles, appréhender une réalité dont les Gnawa nous disent qu'il s'agit d'invisibles investissant le corps d'humains ? Je m'interrogerai à ce sujet sur les problématiques épistémologiques que l'approche anthropologique de l'agentivité soulève : comment se situer, comme chercheur et apprenti musicien gnawi, par rapport à cette autre vision du monde ?
En ouverture, je poserai la question suivante : et si finalement, nous n'anthropomorphisions pas tout ce qui est à notre portée (objets, systèmes symboliques) ?
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Cette séance fait partie d'une série sur le théme Modes d'existence et formes d'action dans l'expérience auditive (coord. Victor A. Stoichiță). Séances précédentes :
The CREM (Centre for Research in Ethnomusicology) seminar takes place on two Mondays per month, from 10:00 to 12:00. Members of the CREM (doctoral students included) and invited researchers present their ongoing work. The presentations last 50 minutes, and are followed by a coffee break and discussion hour.
Occasionally, the seminar takes the form of a workshop which brings together several researchers around a common theme. In these cases, the seminar takes place over an afternoon, or sometimes an entire day.
Participation in the seminar is open to everyone. It is also integrated into the Master’s degree in ethnomusicology at the Universities of Paris Nanterre and Paris Saint-Denis.