Avec Laure Carbonnel
Accra, capitale du Ghana, est considérée comme une ville cosmopolite ou afropolitaine, un hub culturel réputé pour ses festivals musicaux et sa vie nocturne, en particulier depuis 2019 déclarée « year of return », année du retour pour les personnes de la diaspora. On retrouve plus généralement dans la ville une dynamique de création d’événements musicaux et dansés, que je considère ici comme autant de lieux d’ancrage dans le parcours de circulation des personnes. Des Ghanéens (de retour ou sur le départ) créent des plateformes et des événements pour diffuser leur propre image du continent; l’arrivée massive d’Ivoiriens ayant fui leur pays en 2010 ou encore le flux d’étudiant des pays voisins venant apprendre l’anglais, stimulent une vie nocturne francophone à Accra; le tourisme se déploie, ainsi que les événements festifs.
La « musique connecte les gens », aiment à le dire plusieurs de mes interlocuteurs. Or il ne s’agit pas seulement de musique, mais de rassemblements musicaux et dansés. Quelles formes de connexions s’y créent ? Je m’intéresserai plus précisément au rôle des DJ dans la création de ces espaces de convivialité où le sentiment de chez soi se teinte des différentes expériences de rencontres. Les DJ ont la particularité de puiser dans un vaste répertoire de musiques et d’effets, qu’ils ajustent en fonction des lieux, des événements, du moment, et des personnes en présence. Même lorsqu’ils sont restreints à un genre musical et dansé particulier, ils doivent néanmoins créer une ambiance appropriée, et toucher leurs publics. À partir d’observation participante, de vidéos et d’entretiens réalisés à Accra entre 2022 et 2023, je mettrai en perspective les formes de connexions créées par les DJ avec et entre les danseurs au sein de deux réseaux festifs différents : des DJ ghanéens qui jouent dans des scènes privilégiant l’electronic dance music et des DJ bénino-gabonais organisant notamment des soirées dites francophones dans la ville. Ces deux genres musicaux ont en commun de se situer à la marge d’un réseau festif dit mainstream afrobeat, et de s’insérer particulièrement dans les dynamiques de circulation et d’ancrage des participants.
Laure Carbonnel est docteur en anthropologie (Université Paris Nanterre), affiliée au LACITO (UMR7107). Ses recherches menées principalement au Mali et en France s’attachent à analyser la production d’événements festifs par des acteurs culturels (bouffons rituels, entrepreneurs culturels, DJ). Elles portent à la fois sur les dimensions sensibles de l’événement (comme les dynamiques affectives), les formes de régulation des conduites (émotion morale, institution) et les processus de catégorisation. En 2022-2023, elle a mené une étude intitulée Moving together. From mobility between cities to dancefloors in Accra (Ghana), au cours d’un séjour d’un an à Accra dans le cadre d’un senior fellowship au Merian Institute of Advanced Studies in Africa (University of Ghana).
Le séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.
Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.
La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.
Une journée portes ouvertes destinée aux candidat·es au concours externe 2024 de chargé·e de recherche au CNRS en section 38 qui souhaitent demander, en cas de recrutement, leur rattachement au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc, UMR7186), est prévue mardi 9 janvier 2024 à partir de 10h30.