[English version below]
Les recherches menées en pays tupuri (Cameroun et Tchad) par Chloé Violon s’orientent vers une étude des pratiques et des réseaux d’échanges au cours de grands événements économiques, sociaux ou rituels, comme dans le quotidien de tout un chacun. L’objectif de ce travail est de cerner comment les gens parviennent à concilier des comportements prédits par les attentes sociales des collectifs qu’ils contribuent à former et des stratégies individuelles qui leur permettent aussi de faire carrière.
Ses travaux de master ont débuté sur les questions d’approvisionnement en ressources agricoles (en particulier en semences) dans une localité rurale de l’Extrême-Nord du Cameroun où l’agriculture constitue la principale activité de subsistance. Au-delà du constat d'une forte hétérogénéité des situations d'approvisionnement (loin d'être réductibles à l'opposition don/échange marchand), des rapports de forces se dessinaient sous la pratique largement répandue du quémandage, entre des individus foncièrement débiteurs et d'autres quémandeurs.
Il lui semblait alors pertinent de s'engager en thèse dans une étude plus approfondie des rapports entre échanges et pouvoir, et tenter de comprendre comment chaque individu cherche et peut négocier sa place en collectivité. Ses premières enquêtes de master (Lokoro; janv.-mars 2011, juil.-sept. 2011) ont été complétées d'une année de terrain en zone tupuri camerounaise (Lokoro; janv.-mai 2013) et tchadienne (Lingoua; juin-déc. 2013). En alliant des recueils de données systématiques à une ethnographie plus classique, son ambition est aujourd'hui de saisir comment les relations se nouent et se dénouent dans cette région du monde, et comment certaines figures peuvent, en les manipulant comme en les subissant, émerger ou déchoir, et se constituer des destins extra-ordinaires.
A l'avenir, l'auteur s'efforcera de rendre compte de l'hétérogénéité sociale en termes de "débrouille économique", en même temps que d'atteindre des dimensions plus psychologiques en s'intéressant aux manières dont chacun s'efforce de surmonter les difficultés qui ponctuent sa vie.
Thesis entitled: Between Collective Norms and Individual Initiatives. An Analysis of Transfer Networks in an Tupuri Society (Far North, Cameroon)
Chloé Violon carries out research in Tupuri countries (Cameroon and Chad) in the form of a study of practices and networks of exchange during major economic, social, or ritual events, as in the daily lives of everyone. The objective of this work is to identify how people are able to reconcile behaviours predicted by the social expectations of the groups they help to form and individual strategies that also enable them to have a career.
Her masters work began on issues of supply of agricultural resources (especially seeds) in a rural locality in the Far North of Cameroon where agriculture is the principle activity of sustenance. In addition to the fact that supply situations were highly varied (from reducible to the opposite of gift/market exchange), the power balance developed under the widespread practice of begging, between individuals who are basically debtors and other beggars.
At that time, it seemed appropriate for her to undertake a thesis via a more in-depth study of the relationship between exchange and power, and try to understand how each individual seeks and can negotiation their place in community. Her first master’s investigations (Lokoro; Jan-March 2011, Jul-Sept 2011) were completed with a field year in the Cameroonian Tupuri zone (Lokoro, Jan-May 2013). By combining systematic data collections with a more classical ethnography, her goal is to understand how relationships are formed and unravelled in this part of the world, and how certain figures can, by manipulating them as if they were undergoing them, emerging or discarding them, and building up extra-ordinary destinies.
Going forward, the author will strive to understand social heterogeneity in terms of “economic resourcefulness,” and at the same time the more psychological dimensions, in exploring the manners in which each person tries to surmount the difficulties which punctuate their life.
Pour se perpétuer, les sociétés pastorales dépendent de la reproduction de leur bétail. Or celle-ci ne repose pas uniquement sur le croît du troupeau ; elle est aussi régulée par des acquisitions extérieures qui permettent d’augmenter les effectifs, d’introduire de nouvelles races et de remplacer du cheptel improductif. Tout comme la mobilité spatiale qui aide à maximiser les ressources disponibles, cette circulation du bétail est – en permettant de faire face à la variabilité environnementale structurant le mode de vie pastoral – l’une des stratégies sociales de minimisation des risques. Au lieu de considérer les réseaux d’échange d’animaux et la mobilité des groupes pastoraux comme des facettes indépendantes du pastoralisme, nous proposons de réfléchir à la manière dont elles s’influencent mutuellement. À partir de deux études de cas (les éleveurs arabes du Tchad et touches de Géorgie), nous envisageons les liens entre les mobilités dans l’espace et la circulation socio-économique inter- et intracommunautaire des animaux. Étudier le nomadisme par le prisme de la circulation du bétail amène à le concevoir simultanément comme une adaptation efficace à des ressources inégalement réparties dans le temps et l’espace, et comme une histoire de liens entre groupes, entre lignages et entre individus.
Pour se perpétuer, les sociétés pastorales dépendent de la reproduction de leur bétail. Or, celle-ci ne repose pas uniquement sur le croît du troupeau ; elle est aussi régulée par des acquisitions extérieures qui permettent d’augmenter les effectifs, d’introduire de nouvelles races et de remplacer du cheptel improductif. Tout comme la mobilité qui aide à maximiser les ressources disponibles, cette circulation du bétail serait – en permettant de faire face à la variabilité environnementale structurant le mode de vie pastoral – l’une des stratégies sociales de minimisation des risques. Au lieu de considérer les réseaux d’échange d’animaux et la mobilité des hommes comme des facettes indépendantes du pastoralisme, nous proposons de réfléchir à la manière dont elles s’influencent mutuellement. Les formes prises par cette circulation sont liées à l’utilisation et la connaissance du territoire par les pasteurs, mais dans quelle mesure la mobilité spatiale n’est pas aussi conditionnée par les manières dont ils font circuler leur bétail ? A partir de trois cas d’étude (les éleveurs wodaabe du Niger, arabes du Tchad et tushe de Géorgie), nous envisagerons les liens entre les mobilités humaines et la circulation des animaux au sein, entre, et à l’extérieur de ces groupes pastoraux. Etudier le nomadisme par le prisme de la circulation du bétail amène à le concevoir comme une histoire de liens entre groupes, entre espèces et entre générations
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici