[English version below]
L’actuelle répartition ethnique du Kosovo est le résultat d’une guerre qui a modelé le territoire à travers des violents affrontements inter-communautaires, producteurs de départs définitifs et déplacements spontanés et forcés. Ainsi, en fabriquant une image de l’autre qui varie en fonction de l’appartenance ethnique, les guerres yougoslaves ont redessiné les peuplements des territoires ethniquement mixtes non seulement à travers l’émigration des minorités qui se trouvaient du mauvais côté de la frontière, mais aussi dans la réécriture des relations quotidiennes de ceux qui restaient.
Mitrovica, ville industrielle d’environ 130 000 habitants, se situe au Nord du Kosovo, proche de la frontière avec la Serbie. En 1999, les affrontements entre l’Armée yougoslave et l’Uck (Armée de libération du Kosovo), ainsi que les bombardements de l’OTAN, redessinent la carte de la ville : la rivière Ibar qui la traverse devient une frontière interne séparant deux conceptions du territoire, du passé et de la guerre.
Le terrain ethnographique s’appuie sur deux catégories d’acteurs principaux : « la génération du pont », qui a grandi pendant la guerre et qui voit l’autre comme un ennemi et cause de la précarisation de la situation kosovare, et ceux qui ont vécu la reconfiguration ethnique urbaine mais qui gardent un souvenir différent de la ville. Cette différence générationnelle est interrogée à partir des manières dont les espaces de la ville sont racontés, vécus et traversés, ainsi qu’à partir des relations et des récits intimes au sein des familles serbes et albanaises. Dans ce cadre, les usages sociaux stratégiques des identités multiples des habitants de Mitrovica permettent de soulever des questionnements pluriels concernant à la fois les souverainetés territoriales et la violence ainsi que les frontières vécues et l’incertitude du quotidien.
Thesis entitled: Border Dynamics and Daily Practices in Mitrovica (Kosovo). Ethnography of a Shared City Under Siege
The current ethnic division of Kosovo is the result of a war that modelled the territory through violent and inter-community confrontations, producers of definitive departures and spontaneous and forced displacements. Thus, in creating an image of the other that varies in function of ethnic belonging, the Yugoslavian wars redesigned the peopling of ethnically diverse territories, not only through minority emigration that is found on the wrong side of the border, but also in the re-writing of daily relationships between those who stayed.
Mitrovica, an industrial city of around 130,000 inhabitants, located in the North of Kosovo, is close to the Serbian border. In 1999, the conflicts between the Yugoslavian army and the Uck (Kosovo Liberation Army), as well as the bombardments of OTAN, redress the city’s map: the Ibar river that crosses the map becomes an internal border separating to territorial conceptions, from the past and the war.
The ethnographic field investigates two main categories of actors;: the “death generation,” which grew during the war and which regard the other as an enemy and as a cause of the insecurity of Kosovo’s situation, and as those who lived through the urban ethnic reconfiguration but with a very different memory of the city. The investigation of this generational difference is based on the ways in which city spaces are recounted, experienced, and crossed, as well as the relations and intimate accounts within Serbian and Albanian families. In this context, the strategic social uses of multiple identities among Mitrovica’s inhabitants allows us to raise plural questions concerning both territorial sovereignties and violence, as well has lived borders and daily uncertainty.
2018-2019, « Séminaire d’itinéraires et de débats en études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques », Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
2017-2018, « Séminaire d’itinéraires et de débats en études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques », Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
2017, TD « Théories en anthropologie », Département d’Anthropologie, 24h, L1, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
2017, CM « Anthropologie économique de l’Europe de l’Est », Département d’Anthropologie, 10 h, L3, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
2016-2017, « Atelier de Lecture » de l’Atelier Balkans, Site Pouchet et Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
2016, TD « Textes fondamentaux », Département d’Anthropologie, 8h, L3, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
La géographie humaine et politique du Kosovo d’aujourd’hui garde les traces d’une histoire complexe. A l’heure de la désagrégation yougoslave, la mise en discussion de l’unité nationale et l’éclatement des guerres civiles impliquent l’émergence des frontières internes dans un territoire auparavant compact, en effritant la vie commune de partage et de voisinage. Le conflit intercommunautaire entre les Serbes et les Albanais et l’éclatement de la guerre (1998-1999) pour l’indépendance du Kosovo ne constituent pas un phénomène isolé, mais ils s’inscrivent dans les logiques de désagrégation qui ont concerné l’ensemble de l’ex-Yougoslavie. Cet article vise à réfléchir sur la quotidienneté dans le post-conflit à Mitrovica, une ville ethniquement divisée par la guerre. A partir de notre terrain ethnographique, il s’agira de réfléchir sur les espaces de la frontière vécue ainsi que sur les reconfigurations des mémoires du passé et de la guerre. Mitrovica, se structurant autour de la répartition communautaire entre les Serbes et les Albanais, nous restitue un cadre complexe du post-conflit yougoslave, en nous permettant de soulever des questionnements pluriels concernant à la fois le territoire et le nationalisme, l’ordinaire et les mémoires individuelles et collectives.
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici