Dans son étude sur les parcours des détenus-disparus lors de la dictature militaire en Argentine, Gabriel Gatti (2011) propose une qualification de la fragmentation de l’être des victimes de violences de masse sous le double terme d’« identité sans corps et de corps sans identité ». Ce chiasme servira de point de départ pour présenter, à la lumière de deux situations ethnographiques contrastées, d’autres types de morts dont le statut est davantage provisoire ou liminaire: ni tout à fait disparus, ni déjà entièrement réapparus.
A Medellín, on examinera d’abord les dénonciations publiques de disparitions survenues en 2002 à la suite d’une opération militaire, dans un quartier sud de la ville de Medellín (Comuna 13). Moyen d’expression de souffrances, ces dénonciations mettent en jeu des acteurs hétérogènes dans le but de répondre, au sujet des disparus, à une question pourtant commune: « Où sont-ils ? ».
On s’intéressera ensuite à l’arrivée massive de cadavres flottant par le fleuve Magdalena au début des années 2000 à Puerto Berrío et à leur insertion dans un tissu religieux préexistant. Inhumés dans le cimetière municipal, certains de ces morts ont été « choisis » (escogidos) par des habitants de la ville dans le but d’en faire des intercesseurs célestes et des agents miraculeux. Dans ce cas, les habitants ne se posent pas la question de savoir qui sont ces morts (et d’où ils viennent) mais ils s’intéressent à leurs capacités à agir (au ciel) : « Que font-ils et comment faire pour qu’ils le fassent pour moi ? »
Ces deux cas soumis à discussion permettent de considérer l’incertitude liée à la disparition non pas seulement comme « vide à combler » mais aussi comme moteur d’action et ressource relationnelle.
Cliché : haut, dénonciation publique de disparitions (Medellín) ; bas, niche fleurie du cimetière de Puerto Berrío portant l’inscription NN (Ningún Nombre) « pas de nom » / © Ivan Massin, 2017.
Le séminaire de l’EREA (Enseignement et recherche en ethnologie amérindienne) est un espace de discussion, ouvert à tout public, flexible et modulable, qui a pour vocation de stimuler les échanges entre la formation américaniste du département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre et les chercheurs du Centre ainsi que des invités extérieurs. Tout en étant un foyer de réflexion sur les recherches américanistes en cours, il sert également de plate-forme pour la divulgation des travaux des doctorants, post-doctorants et chercheurs associés.
Sous forme de présentations individuelles, de cycles thématiques ou de demi-journées d’étude, il apporte ainsi un espace de recherche complémentaire aux réunions du Séminaire d’anthropologie américaniste (SAA) et au Groupe d’enseignement et de recherche sur les Mayas et la Mésoamérique (GERM).
Certaines séances sont disponibles en replay sur la chaîne Erea de Canal U.
Organisation : Valentina Vapnarsky, Aline Hémond, Philippe Erikson et Vincent Hirtzel
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.