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Anthropologie de l'invisible – Ateliers d'anthropologie 52
Présentation
L’invisible ne cesse d’apparaître. Une collection hétéroclite d’êtres et de choses (ou de choses qu’on hésite à reconnaître comme des êtres) semble exister dans les mondes humains en tant qu’ils y font irruption. Ils mobilisent dans leur sillage, autour de l’événement de leur apparition, une batterie d’appareils de mesure, de dispositifs d’instauration, d’intercesseurs de tout poil et autres médiateurs patentés. C’est à ces invisibles, et au genre d’anthropologie qu’ils exigent de nous, que ce numéro de la revue Ateliers d’anthropologie est consacré.
Il y est question bien entendu de ces fantômes et esprits, ces personnages récurrents de l’anthropologie sociale depuis ses débuts, qui sont diversement nommés, accueillis ou exorcisés à travers les collectifs où leur réalité est admise plus ou moins volontiers. Il est question aussi d’autres phénomènes étranges, perturbants ou ambigus, dont le caractère spectral, fantomatique, semble déterminer d’emblée les modalités de leur traitement anthropologique : des divinités soudain manifestes, des cadavres anonymes qui n’ont pas même pris le temps de devenir revenants, des intrus extraterrestres potentiellement hostiles et autres présences suspectes qui prolifèrent à l’ombre des complots. Mais l’ethnographie rencontre aussi des choses plus ordinairement invisibles, qui n’en sont que plus délicates à saisir comme phénomènes d’apparition : des molécules de dioxyde de carbone dont on s’éprend ou dont on s’effraie, des paysages dont la beauté naturelle et culturelle doit être institutionnellement encadrée, le constat anecdotique de la possibilité que chaque rencontre entre des personnes, ou entre des personnes et des lieux, puisse en réalité avoir été prédestinée.
En documentant ethnographiquement les circonstances et les conditions d’apparition de ces choses, en comparant — ne serait-ce que par la vertu de leur description conjointe — ce que les modes d’existence de ces dernières peuvent avoir d’analogue ou même de commun, les études de cas rassemblées dans ce numéro thématique contribuent à tracer les limites et expérimenter les ressorts d’une anthropologie de l’invisible.
Sommaire
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Grégory DelaplaceL’invisible tel qu’il apparaît
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Récits de presque-rencontres avec les esprits chez les Inuit de l’Arctique oriental canadien
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Tristan Quemener et Clément RenaultUne approche phénoménologique et pragmatique des apparitions chez les Ashéninka du Haut-Yuruá (Amazonie péruvienne)
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Perception et identification des esprits (masheitani) dans les récits de rencontres fortuites et de rêves sur l’archipel de Zanzibar (Tanzanie)
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Pragmatique divinatoire dans le nord de la Côte d’Ivoire (Korhogo)
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Véronique GrucaUn rituel chamanique clairement ambigu
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Théophile Robert-RimskyRécits d’apparition et preuves vidéographiques de l’existence d’un complot
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Mise en présence des populations vulnérables et lutte contre l’effacement des corps et des identités (Hyderabad, Inde)
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Anne-Sophie MilonUne histoire du passage de l’enthousiasme des sciences de la Nature à l’effroi des sciences de la Terre à l’égard du CO2 atmosphérique
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Elisabeth BernardApprendre à être attentif à l’activité des montagnes à Vík í Mýrdal, Islande
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Dans les coulisses du façonnement d’une merveille naturelle et culturelle
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Pragmatique de la notion d’affinité prédestinée au Sichuan, Chine populaire
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Camille Chamois