Membre du comité de rédaction de la revue Ateliers d'anthropologie (directeur de publication de 2019 à 2023)
Membre du comité de rédaction de la revue Ethnologie française (membre du comité de direction de 2017 à 2022)
Membre du comité de rédaction de la revue Techniques & Culture
Membre du comité de rédaction de la revue Images du travail, travail des images
Directeur du Lesc de 2019 à 2023
Directeur adjoint du Lesc de 2014 à 2018
Membre de la section 38 du Comité National de la Recherche Scientifique (membre du bureau) de 2012 à 2016
Depuis 2019 Enseignant au sein du master Cinéma anthropologique et documentaire, université Paris Nanterre (encadrement d'une dizaine d'étudiants par an)
2007-2017 Chargé d'enseignement au musée du quai Branly (initiation à la pratique filmique en anthropologie)
2014-2016 [avec Emmanuel Grimaud et Victor Stoichita] : « Praxis 2.0 », séminaire, master 2, Dpt d’anthropologie, Paris Ouest Nanterre La Défense, 2 heures hebdomadaires
2014-2015 [avec Grégory Delaplace] : « Techniques audiovisuelles appliquées », séminaire, licence 2, Dpt d’anthropologie, Paris Ouest Nanterre La Défense, 2 heures hebdomadaires
2003-2012 : « Le Cinéma des ethnologues », atelier de pratique et de réflexion sur l’image animée, chercheurs et doctorants du LESC
2020-2024 Repit. Labex Les passés dans le présent
2017-2019 Anthropôle Écran. Labex Les passés dans le présent
2015-2019 Moines 3.0. Essai transmédiatique et transdisciplinaire sur le temps présent d'un monastère trappiste. Projet de recherche interlabex : Les passés dans le présent, Hastec
Membre du Groupe de recherche en anthropologie filmique (GRAF), partenaire de l'ANR Visa (Vie savante) portée par Nicolas Adell
Membre du GDR Images et anthropologie portée par Jean-Paul Colleyn
L'artisanat marocain est immanquablement associé à une image féerique au centre de laquelle trônent des artisans aux savoir-faire ancestraux. Spécialisés dans la confection d'ustensiles de ménage et de mobilier en laiton, les artisans dinandiers de Fès n'échappent pas à cette vision stéréotypée. Cependant, la réalité de la majorité des dinandiers et des artisans marocains ne se réduit pas à celle de la poignée de travailleurs généralement mis en avant pour faire montre du génie artisanal. Dans ce riche ouvrage, à la fois de recherche, d'érudition et d'expression esthétique, Baptiste Buob donne à voir et à penser le travail des artisans dans sa complexité et son évolution en s’éloignant des pistes erronées de la tradition ou d’une description misérabiliste. L’argument problématique majeur est de démonter le masque idéologique qui, sous le nom d’artisanat, cache des conditions de vie et de travail très dures. Une telle position d’anthropologie critique n’exclut pas une approche très descriptive et analytique du métier. Baptiste Buob pratique ici un exercice devenu rare qui consiste à « tourner autour » de son objet, à en explorer les facettes, les dimensions économiques, sociales, historiques et techniques, ainsi que les conceptions vernaculaires des artisans. Étude de référence sur les dinandiers de Fès, cet ouvrage dresse un portrait éloquent de la situation contemporaine de bien des artisans pris en tenaille entre la patrimonialisation de leurs produits et l’évolution capitaliste de leur industrie. Les quatre films du DVD qui accompagnent l’ouvrage composent bien plus que de simples illustrations : films et livre sont à la fois autonomes et complémentaires. L’enquête et la réalisation filmiques ont été le principal instrument d’investigation, le pivot de la recherche, car ce que décrivent les films est à la base de l’édifice de la dinanderie : le travail humain, le geste et l’objet travaillé [présentation de l'éditeur].
Pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans les années qui suivent la Libération, émergent en France nombre d’institutions qui sont aujourd’hui encore des piliers de l’enseignement, du financement et de la diffusion du cinéma. L’après-guerre est aussi la période durant laquelle vont se fortifier de nouvelles conceptions et pratiques savantes du film. L’acceptation du septième art en tant que fait de culture, la distinction entre théoriciens, critiques et cinéastes, l’éclatement des panoramas nationaux ainsi que la prise de conscience de l’existence d’approches plurielles constituent le terreau d’un renouvellement de la théorie cinématographique. Cette transformation s’accompagne d’une présence croissante des réalisations audiovisuelles à l’université et de l’émergence de réflexions propres à certaines disciplines que l’on regroupera à partir des années 1970 sous l’appellation « sciences humaines et sociales ». Ce dossier thématique vise à interroger les conditions par lesquelles se sont forgés les savoirs disciplinaires sur le film et le cinéma (en sociologie, psychologie, anthropologie, géographie, philosophie, sciences de l’éducation, etc.). Il part de l’hypothèse que c’est par la socialisation au sein de lieux très divers mais contigus que se sont forgés les personnalités et les tempéraments de ceux qui, par la suite, seront reconnus comme des savants cinéastes ou des savants œuvrant au développement du cinéma comme outil et objet de recherche. Qu’est-ce que l’après-guerre et la Libération ont fait aux pratiques et aux savoirs cinématographiques ? Par qui et par quoi étaient-ils réellement constitués ? Quels sont les affinités et les rapports de force qui l’ont structuré ? Pourquoi certaines personnalités ont été oubliées par nos disciplines ? Combinant les approches consacrées à des itinéraires de personnalités et des débuts de carrière, des dialogues théoriques, des lieux, des expérimentations, des films, les articles réunis contribuent à une approche contextuelle et à une histoire inclusive et circonstanciée des sciences humaines et sociales attachée aux savoirs cinématographiques et filmiques.
Techniques&Culture ouvre la trousse à outils de celles et ceux qui observent, décrivent, analysent et font connaître les techniques afin d’en évoquer l’histoire et de présenter quelques exemples contemporains de ces « technographies ». Si les contributrices et contributeurs de ce numéro mobilisent souvent des outils et concepts dûment éprouvés en technologie culturelle, elles/ils empruntent également aux domaines de l’ingénierie et de l’art et créent des outils sur mesure, avec la volonté partagée de comprendre et faire comprendre comment les techniques et les savoirs sur lesquels elles/ils s’appuient font partie intégrante des sociétés et des cultures. Ce numéro esquisse donc le portrait des technologues en artisanes et artisans. Il inaugure aussi une nouvelle formule, avec l’insertion d’un cahier détachable constitué de « fiches pratiques », destinées aussi bien aux néophytes qu’aux collègues qui souhaitent enrichir leur propre boîte à outils. Il semblait opportun de consacrer ce premier cahier détachable à la chaîne opératoire, concept phare de la technologie culturelle dont traitait déjà le tout premier numéro de Techniques&Culture.
Dans le contexte artisanal, le terme "main" ne désigne pas le seul organe préhensile par lequel se concrétise l'activité, mais sert à qualifier, par métonymie, un luthier : un bon luthier est une bonne main. Or, ce qui circule entre des individus fait l'objet aussi bien de persistances que de transformations : les connaissances, les idées, les pratiques ne se transmettent pas sans modifications. En restituant chacune à leur manière un versant de l'expression "de la main à la main", les contributions ici réunies participent de ce processus de médiation : elles proposent au lecteur d'emprunter diverses voies menant à une meilleure compréhension de cet univers où les hommes et les objets forment une seule et même entité. Les auteurs, aux parcours contrastés – certains participent personnellement de cet univers en tant que fabricants et/ou musiciens –, proposent ainsi une multiplicité d'approches susceptibles chacune d'offrir un regard singulier sur la transmission. Les textes ont été regroupés en deux ensembles : les premiers étudient des artefacts (les instruments eux-mêmes et les archives) pour éclairer d'anciens traits d'une profession et certaines de ses évolutions ; les seconds, dans un mouvement inverse et complémentaire, considèrent les activités et les paroles artisanes et musiciennes pour mieux comprendre l'objet lui-même [présentation de l'éditeur].
En guise de résumé, voici quelques lignes écrites par un lecteur de cet article, lecteur lui-même contributeur de ce numéro sur les « Anthropologies plastiques » et féru de topologie lacanienne. Quatre personnes, Laurence, Baptiste, Vincent et Jérémy, qui travaillent ensemble depuis quelques années sur une réimagination, une réécriture, une performance, une réinscription et une reprogrammation (« incrémentielle ») inspirées par le film Les Maîtres fous de Jean Rouch, sont invitées par une cinquième personne, Carl, à parler de ce qu'elles ont fait, et à montrer ce qu'elles ont fait, de telle sorte que l'article lui-même rejoue, et donc transforme le rituel académique de la « table ronde ». Selon moi, cela consiste à transformer la table ronde en une table tore , le tore étant la forme topologique qui problématise l'intérieur et l'extérieur. Le texte perturbe l'idée habituelle d'un document « contenant » un travail déjà réalisé. Le lecteur a effectivement une idée du travail effectué au fil des ans, mais l'objet de l'article n'est pas un historique ou un « retour » sur le projet, mais plutôt un re-tore . Il s'agit d'un regard simultané vers le passé et vers l'avenir, sur la manière dont les individus qui ont participé, ces quatre-là du moins, se sont mis au travail et continuent à suivre un désir de se mettre au travail dans une relation quadruple avec : i) Les Maîtres fous de Rouch ; ii) la performance de la compagnie Dodescaden également intitulée Les Maîtres fous ; iii) les cinquante heures de film de la performance ; iv) la programmation d'une machine, une installation artistique, nommée Performance in absentia , qui propose des agencements possibles de ces films de telle sorte qu'elle rejouerait la performance d'une manière à la fois contrôlée, parce que paramétrée, mais aussi incontrôlée parce que le programme a en lui la capacité de produire des résultats inattendus.
Polysémique, pour ne pas dire ambiguë, l’expression « anthropologies plastiques » ne va pas de soi. Lors des journées d’études et des discussions qui ont accompagné l’élaboration de ce numéro, l’expression avait alors presque autant d’acceptions que de locuteurs. Admettons d’emblée que nous avons proposé là une formule qui se caractérise par une incontestable malléabilité. D’ailleurs, comment l’expression « anthropologies plastiques » ne serait-elle pas elle-même plastique et mouvante selon les contextes ? Désamorçons les malentendus. Il ne s’agit pas de faire l’anthropologie du plastique, ni de fusionner l’anthropologie et les arts plastiques, bien que ces derniers nous intéressent au premier chef.
In Memoriam pour Claudine de France
Tout cela remonte un petit peu (environ dix ans) et n’a pas toujours été noté dans des carnets de terrain. Il s’agit de souvenirs d’une enquête sur les évolutions de la transmission et de l’apprentissage dans le monde de la lutherie. Ces souvenirs traitent de moments, de gestes et de choses dissemblables, qui ont à voir avec diverses « localisations » du savoir-faire et sa propriété, avec la façon dont il circule ou se bloque, avec également la singularité du geste cinématographique qui, comme toute activité technique, nécessite également un savoir-faire. Ces souvenirs mettent également au jour certains enjeux de pouvoir qui peuvent accompagner la circulation des savoir-faire.
Un des contributeurs de ce numéro propose de définir simplement le travail comme une activité qui nécessite l’engagement de certaines capacités physiques et cognitives afin de créer des choses et/ou des idées nouvelles. Cette définition, au demeurant très banale, a l’avantage de pouvoir être appliquée de façon symétrique aussi bien à ce qui peut intéresser un chercheur (le travail comme objet de recherche) qu’à sa propre activité (le processus de recherche comme travail). C’est une comparable...
Les quatre verbes du titre de cet article témoignent de différents cadres théoriques – que d’aucuns pourraient juger inconciliables – qui ont accompagné chacune de mes enquêtes menées caméra au poing. Partant d’une conception de la démarche cinématographique qui conjugue documentation et création, j’ai été amené à m’intéresser à la singularité du savoir issu de la rencontre entre filmant et filmés – au « mensonge » heuristique qu’elle provoque, selon une acception du terme que j’emprunte à Jean Rouch – et à la spécificité agissante de l’acte filmique en ethnographie. L’engagement somatique propre à l’utilisation d’une caméra étant progressivement devenu le principal aiguillon de ma pratique, je propose au final de considérer que le travail de l’ethnographe-cinéaste, à l’instar de celui des personnes qu’il filme, devrait être principalement guidé par les contraintes et les potentialités de la matière première avec laquelle il entre nécessairement en dialogue.
Dans les deux premiers numéros de Techniques&Culture, les participants d’une table ronde tenue à Ivry en 1982 s’interrogeaient sur la façon d’étudier des systèmes techniques culinaires, viti-vinicoles, halieutiques et textiles, d’envisager les relations entre gestes et langage ou de constituer un centre de documentation sur les gestes. Les numéros suivants accordaient une place importante aux réflexions portant sur les façons de décrire les gestes techniques, de classer des méthodes de chasse, de développer des analyses quantitatives, de considérer l’histoire des musées d’agriculture, etc. Si les sujets traités alors perdurent encore dans la recherche en technologie culturelle, d’autres ont récemment fait leur apparition : les déchets, les microbes, les textiles (devenus) électroniques, les plateformes de forage, la création artistique, etc. Ce renouvellement s’est accompagné d’importants débats théoriques témoignant d’un intérêt renouvelé pour les techniques. Mais qu’en est-il du renouvellement des façons d’observer, d’analyser et de restituer les techniques ? Comment répondent-elles aux enjeux contemporains des travaux sur les techniques ? Par exemple, comment fait-on aujourd’hui pour documenter ou réanimer des savoir-faire disparus ? Comment appréhender des processus de création artistique ou la modélisation informatique de procédés de fabrication ? Quelle place est-elle dévolue au dessin, à la vidéo, à la photographie et à la muséographie ? Faut-il différencier les façons dont les chercheurs et les praticiens rendent compte des techniques ? Cette frontière entre fabricants et analystes est-elle d’ailleurs pertinente ?
Depuis décembre 2016, nous collaborons dans le cadre de la création d’une performance intitulée Les Maîtres fous, en référence au film éponyme de l’anthropologue-cinéaste Jean Rouch. Cette expérience fut pour nous l’occasion d’une singulière inversion des rôles : le premier, anthropologue, s’est transformé en performeur, réalisant des films indissociables de la proposition ; le second, artiste, a adopté une position proche par certains aspects de celle d’un ethnographe, produisant des écrits afin de mieux comprendre la logique du processus de création. En revenant sur l’élaboration de cette performance, au croisement de l’art vivant, du cinéma et de l’ethnographie, il s’agira d’interroger la force agissante non seulement de ces inscriptions produites tout au long du processus mais aussi des actes à l’origine de leur obtention. Since December 2016, we have been working on the creation of a performance entitled Les Maîtres fous, in reference to the eponymous film by anthropologist and filmmaker Jean Rouch. This experience was for us the occasion of a singular reversal of roles: the first, an anthropologist, transformed himself into a performer, making films inseparable from the proposal; the second, an artist, adopted a position similar in some aspects to that of an ethnographer, producing writings about the performance in order to better understand the logic of the creative process. Looking back at the elaboration of this performance, situated at the crossroads of living art, cinema and ethnography, we will question the acting force not only of these inscriptions produced throughout the process alongside the acts that generated them.
Si les façons de "noter" les techniques des ethnographes sont heureusement diverses, le classement et la documentation de leurs matériaux nécessitent une approche de plus en plus rigoureuse pour permettre aux chercheurs non seulement de traquer l’information, mais aussi de la comprendre. Une rapide immersion dans quelques fonds scientifiques, déposés au sein de centres de ressources spécialisés en ethnologie, permettra de donner un aperçu de la diversité des documents qui concernent les techniques dites « matérielles », d’évoquer brièvement quelques perspectives de recherche comparative ainsi que de présenter les principales compétences mobilisées par les spécialistes en documentation pour préserver ces savoirs et créer les conditions favorables à leur diffusion. Whilst the ways in which ethnographers take notes are, fortunately, diverse, the classification and documentation of their materials requires an increasingly rigorous approach to enable researchers not only to hunt down information, but also to understand it. A brisk immersion into a few scientific collections, housed at French specialized ethnological resource centers, will provide an opportunity to give an overview of the diversity of documents relating to so-called "material" techniques, to briefly discuss some comparative research prospects, as well as to present the activities and skills mobilized by documentation specialists to preserve this knowledge and create favorable conditions for their dissemination.
Empreint de la pensée surréaliste, Jean Rouch avait pour désir de « mettre en circulation des objets inquiétants », il y est parfaitement parvenu avec la ciné-transe, néologisme qu’il qualifiera lui-même de « mystérieux ». La ciné-transe est aujourd’hui convoquée dans une multitude de textes académiques, dont aucun ne propose une même acception. Il faut dire que son « découvreur », Jean Rouch, ne l’évoque que très rarement et en donne des définitions qui se modifient à chaque nouvelle mention. Admettant qu’aucune exégèse de la ciné-transe ne la rendra totalement intelligible, la présente contribution n’espère donc pas dévoiler ses hypothétiques ressorts cachés, mais invite à une déambulation au fil des propos tenus par Jean Rouch, afin de retracer quelques-uns des délinéaments de son histoire intellectuelle et d’y débusquer certaines vertus passées pour partie inaperçues. Il s’agira d’abord de montrer que la ciné-transe peut être lue comme un palimpseste donnant accès à l’ensemble des préoccupations et des aspirations de Jean Rouch, et témoignant de l’abandon progressif d’une conception positiviste du film qu’il a pourtant longuement défendue. Il s’agira ensuite de souligner que cette notion porte en elle un ensemble de pistes de recherches quelque peu délaissées : la ciné-transe, loin d’être réductible à la seule anthropologie partagée – domaine où l’on cantonne habituellement les apports de Jean Rouch –, se révèle être un puissant embrayeur théorique invitant à considérer que l’expérience cinématographique peut conduire à une singulière rencontre avec soi-même, de part et d’autre d’une caméra.
Un geste filmé est-il un geste comme un autre ? Quels peuvent être les effets engendrés par la présence d’une caméra sur une technique matérielle et comment en tirer des vertus heuristiques ? Ce texte propose d’appliquer ces questionnements, récurrents en anthropologie audiovisuelle, à certains gestes de fabrication de violons filmés lors d’une enquête sur l’apprentissage du métier de luthier. En concevant le cinéma comme un dispositif de médiation, l’hypothèse ici défendue est que la présence de la caméra fait advenir un spectateur virtuel et trouble dans la situation filmée qui incite à accroître le regard réflexif que l’agent porte sur ses propres gestes et, en conséquence, renforce la part de ritualité diffuse présente en chaque activité matérielle. Autrement dit, la caméra, en faisant advenir un observateur virtuel, comparable à certains égards au destinataire invisible d’un rituel, fait pencher le geste du côté de l’adresse à un tiers et accentue sa part d’expressivité au détriment de sa vocation opératoire.
Troppo spesso succede che gli etnologi che s’interessano tutto a un tratto al film vedano nel cinema esclusivamente un mezzo alternativo al lavoro scritto. Infatti, il film è generalmente concepito come l’occasione per valorizzare in modo diverso i risultati delle ricerche o di astrarsi, per una volta, dai vincoli della ricerca istituzionale. Per il ricercatore abituato a usare una telecamera, quest’unica motivazione è deludente; il film apre all’antropologia prospettive decisamente diverse da quelle offerte dallo spiraglio della divulgazione o dal sentiero già imboccato una volta verso il cinema documentario. Questo testo si propone di analizzare tre delle virtù sostanziali della pratica filmica: la densità, la plasticità e la riflessività. Sottolineerà anche il fatto che l’etnografo che ha la possibilità, grazie al film, di "guardarsi guardando", può essere portato a riconsiderare un certo numero di elementi dati per scontati e a progredire così in un apprendimento sempre rinnovato del suo campo senza per questo credere nel suo possibile esaurimento.
Les avantages qu’un ethnographe peut tirer de l’usage d’une caméra sont pléthoriques et depuis longtemps exploités notamment dans le cadre de l’anthropologie dite réflexive. Si la réflexivité a fait florès en anthropologie audiovisuelle – au point de s’établir comme quasi dogme théorique et pratique –, j’en propose ici un usage différent : il s’agit de considérer la réflexivité comme outil opératoire et heuristique pour comprendre ce qui peut se dérouler lors d’une situation de tournage, des deux côtés d’une caméra.
Il s’agit ici de reconsidérer des données concernant un procédé de fonte au sable filmé au Maroc il y a plus d’une dizaine d’années. Partant du double constat de la rareté des traces historiques laissées par cette technique et de sa relative rétivité à une analyse technologique classique en anthropologie filmique (en raison du constant changement d’état de ses deux principaux matériaux et de l’ambiguïté fonctionnelle des éléments de sa composition), ce texte propose d’envisager la fonte au sable comme le produit de transformations éminemment plastiques. Permettant de se libérer en partie de catégories ambigües, telles qu’outil, objet et matière, la plasticité invite à penser le processus technique comme étant le fruit de rencontres successives entre des corps plasmes et des corps plastes, des « êtres formés » et des « êtres formants ». Le processus de fabrication n’est dès lors plus envisagé comme l’expression de la transformation d’une matière, à l’état naturel, en objet, à l’état fabriqué, mais comme un processus permanent de prise/dation/destruction de formes. La réflexion en termes de plasticité se révèle particulièrement adaptée à la compréhension de la logique à l’œuvre durant ce processus marocain de fonte au sable, technique qui se caractérise par la cyclicité et l’instabilité catégorielle de ses composantes.
La transformation du bois en musique est ce qui fait le sel de la vie d’un luthier. Une telle assertion, aux allures d’évidence, est pourtant tout à fait discutable. De nombreux luthiers ne sont pas du tout mélomanes et certains ont choisi d’exercer leur profession sans être en relation directe avec le monde de la musique. Ce texte propose d’explorer quelques-unes des raisons qui peuvent expliquer cet apparent paradoxe. Il ressort notamment que la pratique à l’établi est en elle-même gratifiante et que les luthiers fabriquent des instruments non seulement pour les utilisateurs finaux mais aussi pour leurs pairs. En cela, ils ne sont sans aucun doute pas différents d’autres artisans. Cependant, certains fabricants d’instruments ont développé une technophilie particulière – sans aucun doute héritière des principes d’économie propres au travail parcellisé – présupposant que l’habileté technique et le beau geste sont les garants d’un résultat lui-même esthétique.
In Morocco, ethnology has often been associated, at least unconsciously, with the activities of the French protectorate. One of these activities was precisely to lay the foundations of patrimonial philosophy which, in many aspects, corresponds to the currently practiced one. Yet, the contemporary ethnologist has distanced themselves from their field of inquiry. They observe patterns and dynamics of which they were once an actor. Thus, it becomes possible to understand how the craftsman has moved into a "sémiophore"(a human cultural referent) which contributes to the staging of the relation that society establishes with time, namely the manifestation of a present whose genius would resides in the past.
Dès les débuts du XXe siècle, la littérature scientifique traitant du Maroc a pris pour habitude de décrire la relation qui s’instaure entre enfants et adultes dans l’artisanat à travers le prisme de l’exploitation. Fondées sur une réalité manifeste, certaines de ces analyses brossent cependant un tableau d’une trop grande partialité : en excluant certaines caractéristiques de la relation d’apprentissage, ces travaux donnent à penser une situation toujours dramatique et inadmissible, une situation dans laquelle les activités des adultes se font systématiquement contre celles des enfants. À partir du cas de la dinanderie de Fès, la présente réflexion propose de nuancer ce propos en traitant successivement de deux situations d’apprentissage coexistantes : d’une part, une forme de transmission sous-tendue par l’acquisition de savoir-faire complexes propre à une ethnothéorie de l’apprentissage qui déborde largement les frontières de l’artisanat marocain ; d’autre part, l’apprentissage d’un travail ouvrier mobilisant de façon mécanique des savoir-faire aisés à acquérir et mettant en lumière les transformations socioéconomiques qui se sont largement opérées dans le milieu artisanal.
En opérant un retour sur le déroulement d’une enquête ethnofilmique menée auprès des dinandiers de la médina de Fès, cet article s’interroge sur ce qui est initialement apparu comme une contradiction : les travailleurs ont tous accepté la présence de l’ethnologue-cinéaste et de sa caméra dans leurs ateliers, mais ils ne s’impliquaient pas lors des entretiens prenant appui sur les films. Ce texte offre un éclairage sur les décalages pouvant exister entre les discours de ces artisans et la réalité sociotechnique de leur condition, tout en présentant une réflexion sur certaines caractéristiques d’une méthode de recherche ethnographique fondée sur une pratique cinématographique. Afin de s’accommoder d’une situation qu’ils rejettent, les artisans reprennent les termes d’un discours patrimonial idéalisant une réalité socio-économique ; le contexte du travail favorise l’établissement d’une forme de coopération originale entre filmant et filmés ; le refus de procéder à un échange de vues prenant appui sur les films peut être productif dans la compréhension d’un objet de recherche.
Dès les débuts du XXe siècle, la littérature scientifique traitant du Maroc a pris pour habitude de décrire la relation qui s’instaure entre enfants et adultes dans l’artisanat à travers le prisme de l’exploitation. Fondées sur une réalité manifeste, certaines de ces analyses brossent cependant un tableau d’une trop grande partialité : en excluant certaines caractéristiques de la relation d’apprentissage, ces travaux donnent à penser une situation toujours dramatique et inadmissible, une situation dans laquelle les activités des adultes se font systématiquement contre celles des enfants. À partir du cas de la dinanderie de Fès, la présente réflexion propose de nuancer ce propos en traitant successivement de deux situations d’apprentissage coexistantes : d’une part, une forme de transmission sous-tendue par l’acquisition de savoir-faire complexes propre à une ethnothéorie de l’apprentissage qui déborde largement les frontières de l’artisanat marocain ; d’autre part, l’apprentissage d’un travail ouvrier mobilisant de façon mécanique des savoir-faire aisés à acquérir et mettant en lumière les transformations socioéconomiques qui se sont largement opérées dans le milieu artisanal.
Le film Les maîtres fous de Jean Rouch a eu des échos considérables dans le domaine des arts vivants. Il apparaît en effet que ce film favorise les transpositions « transesthétiques » – du rituel au cinéma, du cinéma au cinéma, au théâtre et à la danse, etc. – car il repose sur une dynamique mimétique donnant à voir un espace corporel et politique qui fait directement écho à l’espace critique de la création artistique. Cet article se propose ainsi de considérer la façon dont le travail de Rouch a « continué à vivre » dans des univers autres que ceux du cinéma et de l’anthropologie en prenant appui sur le processus d'élaboration d'une performance hybride fruit d'une collaboration entre les deux auteurs.
Au terme du texte « Essai sur quelques avatars mimétiques des Maîtres fous », sont ramassés en trois trop brefs paragraphes conclusifs les résultats d’une recherche en cours sur les relations de Jean Rouch avec le milieu théâtral durant l’après-guerre. Nous avons convenu qu’il pourrait être utile d’en dire davantage et donc de déplier une part de ce cheminement.
Quels peuvent être les effets engendrés par la présence d’une caméra sur une technique matérielle et comment en tirer des vertus heuristiques ? Ce texte propose d’appliquer ces questionnements, récurrents en anthropologie audiovisuelle, à certains gestes de fabrication de violons filmés lors d’une enquête sur l’apprentissage du métier de luthier. En concevant le cinéma comme un dispositif de médiation, l’hypothèse ici défendue est que la présence de la caméra fait advenir un spectateur virtuel et trouble dans la situation filmée qui incite à accroître le regard réflexif que l’agent porte sur ses propres gestes et, en conséquence, renforce la part de ritualité diffuse présente en chaque activité matérielle. Autrement dit, la caméra, en faisant advenir un observateur virtuel, comparable à certains égards au destinataire invisible d’un rituel, fait pencher le geste du côté de l’adresse à un tiers et accentue sa part d’expressivité au détriment de sa vocation opératoire.
Une curieuse image est parfois mobilisée pour caractériser les anciennes relations d’apprentissage, celle d’apprentis qui, à la façon de Prométhée, voleraient le savoir à des maîtres avares. À Mirecourt, cette parabole est loin de faire l’unanimité et révèle les termes d’une controverse portant sur les façons d’apprendre et la définition même du savoir. En dénonçant l’existence d’anciennes pratiques de rétention, certains luthiers refusent de réduire l’apprentissage à une démarche strictement intime, conception qui contribue à édifier le savoir comme propriété individuelle. Mais il n’en demeure pas moins que l’appropriation des premiers gestes par un apprenti luthier nécessite qu’il développe une faculté personnelle singulière afin de débusquer un savoir qui se cache dans un ensemble technique particulièrement encombré.
Baptiste Buob s’intéresse au rapport quasi cynégétique qui peut s’instaurer entre le voyageur et son guide dans la médina de Fès au Maroc. L’étude de la circulation de l’argent du tourisme et des procédures de captation met à jour l’existence d’un marché singulier, rendu intentionnellement opaque, où la capacité de débusquer et de masquer les informations est une compétence capitale. Au-delà d’une relation caricaturale entre des chasseurs et des proies, il montre notamment que le déni de la réalité économique, pourtant au fondement de la relation touristique, est une des conditions d’un possible désenchantement.
Cette thèse traite des artisans dinandiers de l’ancienne ville de Fès spécialisés dans la confection d’objets en laiton, les swainiya. Partant des principes de l’anthropologie filmique, discipline qui place l’expérience cinématographique au cœur d’une démarche ethnologique, le travail est composé de deux parties complémentaires et autonomes : d’une part, quatre films ethnographiques décrivant autant de processus de fabrication d’objets (des plateaux à thé, des pièces coulées, un grand plateau circulaire et une enseigne) ; d’autre part, une partie écrite à visée monographique abordant l’histoire, la situation socioéconomique, les savoir-faire et les représentations qui entourent l’acte technique. Les films décrivant des processus de fabrication sont de caractère exploratoire, autrement dit, l’expérience filmique par laquelle a débuté l’expérience de terrain cherchaient a restituer au mieux le déroulement des activités techniques. La partie écrite commence par développer ces points de méthode puis invite à repenser les rapports entre tradition et artisanat au Maroc. La problématique est née de la distorsion des données historiques, des faits observés et des propos des artisans avec les représentations communément attribuées à l’« artisanat traditionnel » marocain : 1) l’artisanat traditionnel est généralement considéré comme un héritage ancestral alors que la dinanderie est une tradition construite par le protectorat français et prolongée par la politique patrimoniale du Maroc indépendant ; 2) l’artisanat est perçu comme une organisation économique à l’abri du mode de production capitaliste alors que la situation actuelle de la dinanderie est le produit direct de l’industrialisation, de la division du travail et de l’instauration de relations de production de type prolétarien ; 3) l’artisanat est censé garantir l’entretien de savoir-faire manuels ancestraux alors que dans la dinanderie s’observe une tendance à la parcellisation du travail et à la simplification des savoir-faire ; 4) l’artisanat traditionnel est considéré comme le lieu de transmission d’un ensemble de valeurs égalitaristes, alors que dans la dinanderie le recours aux valeurs morales apparaissent comme étant une manière pour les artisans de se préserver d’un ensemble de rapports de domination/subordination.
Autrefois, un grand nombre de violons étaient conçus dans les fabriques de Mirecourt. Les techniques qui s'y sont développés ont contribué à façonner le corps et les savoir-faire des luthiers contemporains
Ce film propose une plongée dans l’univers de l’apprentissage de la fabrication d’instruments à cordes au sein de la petite ville vosgienne de Mirecourt, le « berceau » de la lutherie française. Actes de fabrication, situations d’apprentissage, images d’archives, entretiens et échanges entre luthiers viennent éclairer les conceptions actuelles de la transmission et les évolutions les plus saillantes d’une profession qui demeure marquée, malgré elle, par le sceau du secret.
Au milieu du XXe siècle, la lutherie française est en crise. Dans la ville de Mirecourt, une certaine organisation de la lutherie connaît ses derniers jours.
Un « bon » instrument doit répondre non seulement à des critères de sonorité mais aussi aux attentes esthétiques tant des musiciens que des luthiers eux-mêmes
Le violoniste Svetlin Roussev esaie et commente différents instruments du Musée de la lutherie et de l'archèterie française de Mirecourt.
Des luthiers de tous âges témoignent de la relation parfois ambivalente qu'ils entretiennent avec la technique et de la place du plaisir lors de la fabrication d'instruments.
Les principales étapes de la fabrication d'un violon effectuées par le luthier Dominique Nicosia
Les principales étapes de la fabrication d'un archet effectuées par l'archetier Roch Petitdemange
Accompagnant le livre La dinanderie de Fès, un artisanat traditionnel dans les temps modernes, Ovales décrit le complexe processus de fabrication de petits plateaux ovales
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