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Depuis 2004, les travaux de recherche de Baptiste Moutaud ont porté sur les dimensions sociales et culturelles des savoirs et pratiques des neurosciences dans les sociétés contemporaines. Il a exploré plus particulièrement les conceptions de l’humain et les formes de vie qu’elles renferment. Ceci à travers 2 terrains d’observations : la production expérimentale, au laboratoire, de nouvelles hiérarchies et liens causaux entre les composantes biologiques, psychologiques ou sociales des comportements humains ; le développement de thérapeutiques expérimentales en psychiatrie qui prétendent agir sur ces différentes dimensions.
Aujourd’hui, ses recherches étendent ces problématiques des recompositions des frontières de l’humain sur deux nouveaux terrains : dans la modélisation de comportements humains sur des animaux en neurosciences ; dans la régulation de la production, de la circulation et des usages d'organoïdes en recherche biomédicale.
Baptiste Moutaud’s research focuses on the social and cultural dimensions of neuroscience in contemporary societies. Since 2004, he has explored more specifically the conceptions of human beings and the forms of life shaped by neuroscience knowledge and practices. He developed ethnographic research on: the experimental production in the laboratory of new hierarchies and causal links between biological, psychological, or social components of human behavior; the development of experimental treatments in psychiatry.
Today, he is extending these issues on the recomposition of the frontiers of humanity in three new ethnographic research: the production of animal models of human behaviours in psychiatry and neurology; the promises of robotics in care practice for autism; the ethical regulation of human brain modelisation in biology.
2021-2025 : Anthropologie de la santé (avec D. Liolios) (CM). L3, Licence sciences de l’homme, anthropologie, ethnologie. Université Paris Nanterre. Département d’anthropologie
2021-2025 : Anthropologie de l'Europe (CM). L3, Licence sciences de l’homme, anthropologie, ethnologie. Université Paris Nanterre. Département d’anthropologie
2018-2019 : Anthropologie cognitive (avec A. Helmlinger et V. Stoichita) (CM). L3, Licence sciences de l’homme, anthropologie, ethnologie. Université Paris Nanterre. Département d’anthropologie
2016-2019 : Introduction à l'anthropologie de la santé. M1, Master Santé, populations, politiques et interventions sociales - École des hautes études en sciences sociales
2005-2007 : Anthropologie de la santé (CM). L3, Licence d’ethnologie. Université Paris 10-Nanterre. Département d’ethnologie
2005-2007 : Introduction à l’Ethnologie (TD). L1, Histoire, Ethnologie. Université Paris 10-Nanterre. Département d’ethnologie
2024-2028 : Responsable scientifique pour le partenaire LESC (UMR 7186, Université Paris Nanterre) du programme de recherche interdisciplinaire financé par l’Institut pour la Recherche en Santé Publique : « ARCHE - Étude historique et sociologique des logiques et des normes influençant la mise en œuvre du recours aux psychédéliques dans la recherche sur les addictions », dirigé par Margot Morgiève (INSERM-CERMES3)
2024-2027 : Responsable scientifique pour le partenaire LESC (UMR 7186, Université Paris Nanterre) du programme de recherche interdisciplinaire financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « Hyp-Hope - (Se) soigner par l’hypnose : promesses thérapeutiques et transformations des pratiques de santé », dirigé par Boris Hauray (CNRS-IRIS)
2023-2026 : Responsable scientifique pour le partenaire LESC (UMR 7186, Université Paris Nanterre) du programme de recherche interdisciplinaire financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « Organact - Les organoïdes en action : Approche interdisciplinaire en sciences sociales », dirigé par Fabien Milanovic (Sup’Biotech) et en collaboration avec Aurélie Mahalatchimy (CNRS Droits international, comparé, européen, CERIC, Aix-Marseille Université). https://organact.fr/
2021-2023 : Co-responsable avec Sébastien Lemerle (CRESPPA-Université Paris Nanterre) du programme de recherche : « La plasticité cérébrale : histoire, usages, circulations (PHUC) », en collaboration avec Nicolas Marquis (Casper-Université Saint-Louis, Bruxelles) en Antonine Nicoglou (iBrain-Psychiatrie Neuro-Fonctionnelle-Université de Tours) et financé par la MSH Paris Nord et la MSH Mondes
2014-2018 : Responsable scientifique pour le partenaire CERMES3 (UMR 8211, INSERM U988, EHESS, Université Paris Descartes) du programme de recherche interdisciplinaire financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « Normastim. Les neurosciences de l’expérimentation à la clinique. Enjeux juridiques, philosophiques et sociologiques de la stimulation cérébrale profonde », dirigé par Sonia Desmoulins-Canselier (UMR 8103 de droit comparé de Paris) et en collaboration avec le centre de recherche Sciences, Philosophie, Histoire (SPHERE - Université Paris-Diderot, UMR 7219). http://www.biusante.parisdescartes.fr/normastim/2022-2026 : Membre du programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « Les origines et usages de l’expérimentation animale dans la psychiatrie biologique », dirigé par Antonine Nicoglou (iBrain-Psychiatrie Neuro-Fonctionnelle-Université de Tours)
2022-2024 : Membre du programme de recherche financé par l’IDEX 2022-Université de Strasbourg : « Des écologies au laboratoire. Histoire et anthropologie des organismes situés en biologie et en biomédecine », dirigé par Lucie Gerber et Alexis Zimmer (UMR 7363 – SAGE)
2020-2024 : Membre du comité scientifique du programme de recherche : « Coaching as a social ritual: acting on people in a liberal-individualistic society (parenting, education, mental health care) », dirigé par Nicolas Marquis (Université Saint-Louis-CASPER) et financé par l’European Research Council
2020-2023 : Membre (Work-Package 2) du programme de recherche : « Innovations technologiques et greffe d’organes : enjeux réglementaires, éthiques et culturels (ITEGOREC) », dirigé par Xavier Guchet (Connaissance, Organisation et Systèmes Techniques-Université de Technologie de Compiègne) et financé par l’Agence de biomédecine
2020 : membre (responsable équipe Lesc) du programme de recherche : « Robots sociaux et prise en charge de la dépendance : enjeux méthodologiques, sanitaires et sociaux », dirigé par Sébastien Dalgalarrondo (CNRS-IRIS) et financé par l’Institut de recherche en santé publique. http://iris.ehess.fr/index.php?4390
2013-2016 : membre (chercheur postdoctoral) du programme de recherche : « Nouvelles approches du soin en psychiatrie : regards cliniques et sociologiques », dirigé par Alain Ehrenberg (CNRS-CERMES3) financé par la Mission pour l’Interdisciplinarité du Centre national de la recherche scientifique « Innovations thérapeutiques pour les maladies mentales »
2013-2015 : membre associé du projet de recherche Emergence(s) de la Ville de Paris : « Risques de psychose et anticipations du malheur dans la psychiatrie contemporaine en France et en Allemagne. Une approche sociologique », dirigé par Nicolas Henckes (CNRS-CERMES3)
2013-2015 : membre (chercheur postdoctoral) du programme de recherche franco-allemand co-financé par la Deutsche Forschungsgemeinschaft et l’Agence Nationale de la Recherche : « Psychiatric fringes. An historical and sociological investigation of early psychosis and related phenomena in post-war French and German societies », dirigé par Nicolas Henckes (CNRS-CERMES3) et Volker Hess (Institute for the history of medicine, Charité Universitätsmedizin, Berlin)
2009-2012 : membre (chercheur postdoctoral) du programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « La vie sociale des neurosciences », dirigé par Brigitte Chamak (CNRS-CERMES3)
2008-2011 : membre associé du programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche : « Philosophie, Histoire et Sociologie de la Maladie Mentale », dirigé par Pierre-Henri Castel (CNRS-IHPST)
2008-2011 : membre associé du Partenariat Institutions Citoyens pour la Recherche et pour l’Innovation de la Région Ile-de-France réunissant l’Association française des personnes souffrant de troubles obsessionnels compulsifs et l’équipe de recherche « Emotion, comportement et ganglions de la base » (Institut du cerveau et de la moelle épinière-Université Pierre-et-Marie-Curie-INSERM)
Ce numéro examine la manière dont les troubles mentaux sont devenus, dans nos mondes contemporains, le lieu par excellence d’expérimentation et d’exploration de l’humain. On y rencontrera des neurologues idéalistes, des singes dépressifs, des poètes volubiles, des maquettes de ville verte et des investisseurs de data capitalism. On y partagera l’expérience si troublante des hallucinations, obsessions, délires, et autres désordres de l’esprit. On y apprendra, aussi, comment les traitements de la folie et les expériences qu’elle suscite irriguent les projets du monde de demain.
La psychiatrie est traversée par des interrogations persistantes à propos de ce qu’est "soigner", mais aussi ce qu’est "bien vivre" lorsqu’on souffre d’une affection psychique chronique. Sur quels critères évaluer le bien-être ? Le soin peut-il dévier de ce que la personne à laquelle il s’adresse désire ? Entre la guérison, la rémission, la stabilisation ou le rétablissement, que vise-t-on ? Jusqu’où peut-on inciter un individu à être autonome ? L’objectif de ce numéro est de mettre en lumière un pan important du quotidien de la psychiatrie où se déploient concrètement ces interrogations : le travail de retissage d’une vie "ordinaire", et les critères utilisés pour définir en quoi pourrait consister cette vie. Si l’ordinaire prend une telle place dans les soins, c’est parce qu’il constitue précisément ce qui est mis à mal par le trouble mental mais aussi parfois par son traitement. Ce numéro est structuré autour de trois évolutions marquantes : la place grandissante réservée au discours des personnes souffrant de troubles mentaux ; la montée en puissance de la thématique du rétablissement ; et enfin le développement d’une anthropologie du potentiel caché. Ces évolutions renseignent sur les conceptions de ce qu’est une vie qui vaut la peine d’être vécue, des dimensions sur lesquelles il est possible d’agir pour y parvenir (biologiques, cognitives, structurelles, relationnelles, matérielles, symboliques, etc.), mais aussi de ce dont chacun devrait disposer pour mener au mieux son existence.
Dans cet entretien avec Baptiste Moutaud et Anthony Stavrianakis, anthropologues travaillant dans le domaine de la santé, Jessica de Largy Healy et Monica Heintz questionnent leur expérience internationale des comités d’éthique de la recherche, dans un contexte où les codes, institutions et protocoles éthiques nés dans le milieu anglo-saxon arrivent massivement en Europe et aussi dans la recherche anthropologique française. En réfléchissant collectivement aux enjeux, dilemmes posés et autres impératifs éthiques propres à leur champ d’étude auprès de patients et de personnel médical, Baptiste Moutaud et Anthony Stavrianakis réinterrogent les contours méthodologiques, scientifiques, déontologiques et légaux de la recherche contemporaine en anthropologie plus généralement. Dans cet entretien la notion de partage de savoirs entre chercheur et interlocuteurs est colorée par les conditions propres au champ de l’anthropologie de la santé, alors que celle de transparence dévoile des tenants institutionnels potentiellement contraires à son intention d’origine.
Cognitive remediation therapy (CRT) aims to optimise cognitive abilities of people who suffer from schizophrenia in order to improve their social adaptation. This therapeutic orientation was developed in psychiatry in the 1980s and 1990s, at a time when the disorder was being redefined as a neurocognitive deficit disorder. In this article, I describe CRT as an assemblage that lies at the intersection of multiple, overlapping theories and spaces of mental disorders and psychiatric care. To do so, I draw on 18 months of ethnographic research conducted in a French hospital unit dedicated to the development of CRT. I argue that the focus on cognitive health and cognitive abilities (or deficits) is not only redefining the logics of care and reshaping medical conceptualisations of schizophrenia, but it is also opening up to a new understanding of people’s precarious life conditions, where emotional, biological, and cognitive fragility is intertwined with social and economic uncertainty. I then examine the extent to which psychiatrists have extended the goals of CRT to include psychosocial rehabilitation in order to mitigate not only the effects of cognitive deficits, but also the effects of limited social and professional integration encountered by patients. Finally, I conclude with a consideration of how CRT has become, for its proponents in France, a means to develop a policy and organisational project for French psychiatry.
In Western modernity, madness constitutes a universe of otherness and alteration that opens up the exploration and experimentation of the forms of the human being. It challenges scientific epistemologies as much as it gives access to a singular representation of reality and contributes to the construction of our common world. The contributions in this issue explore these themes on three intimately intertwined levels: experiences, experimentations, and the materialities of madness.
La folie constitue dans la modernité occidentale un univers d’altérité et d’altération qui ouvre à l’exploration et à l’expérimentation des formes du vivant humain. Elle met tout autant à l’épreuve les épistémologies scientifiques qu’elle donne accès à une représentation singulière de la réalité et participe à la construction de notre monde commun. Les contributions de ce numéro explorent ces thèmes sur trois niveaux intimement imbriqués : les expériences, les expérimentations, et les matérialités de la folie.
Le développement de méthodes d’entraînement cognitif pour la schizophrénie illustre la place prépondérante prise par les neurosciences dans la psychiatrie contemporaine. Dans cet article je décris comment ces pratiques orientent et modèlent les conceptions du soin et des troubles mentaux, et en particulier les représentations de l’entremêlement des causalités sociales, psychologiques et biologiques de la schizophrénie. D’abord en faisant émerger une représentation du corps des malades comme perméable et sensible à son environnement social et matériel ; puis en mobilisant une conception du cerveau comme organe plastique support d’un idéal d’émancipation et d’autonomisation. Enfin, je montre enfin comment cette pratique devient pour ses promoteurs un outil d’insertion sociale et professionnelle.
Si le terme de neuropsychiatrie est en usage, en français comme en anglais (neuropsychiatry) au moins depuis le début du vingtième siècle, il a surtout gagné en popularité après la deuxième Guerre mondiale de part et d’autre de l’Atlantique. Après des décennies de débats autour de la définition de la maladie mentale et de contestation même de la légitimité de la psychiatrie en tant que discipline, la neuropsychiatrie a connu un nouvel essor dans le sillage du développement des neurosciences au tournant des années 1990. Cet article en propose un bilan en vue cavalière. Nous allons voir que si c’est bien la promesse d’une « nouvelle science de l’esprit » qui préside au récent renouveau de la neuropsychiatrie, les réels apports que représente celle-ci ne doivent pas occulter des difficultés mettant en question son éventuelle aspiration à l’hégémonie.
Les analyses en sciences humaines et sociales font très largement état des bouleversements qu’a pu connaître le champ de la psychiatrie depuis les années 1970 : mouvement de désinstitutionalisation, montée en puissance de la médecine des preuves et des outils de standardisation clinique, légitimité grandissante des approches cognitivistes et comportementalistes au détriment relatif de la psychanalyse et des perspectives psychodynamiques, expansion des neurosciences et de la génétique, dévelop...
In this article, we explore a specific controversy about animal experimentation and animal models in the recent history of deep brain stimulation (DBS), and we question its ramifications. DBS development intertwines clinical practice with fundamental research and stands at the crossroads of multiple legacies. We take up the various issues and controversies embedded in this rarely addressed dispute, from a standpoint that combines socio-anthropological and legal aspects. Our starting point is a debate on the role of animal experimentation in the development of DBS between Jarrod Bailey, a researcher promoting the abolition of animal experimentation, and Alim Louis Benabid, Marwan Hariz, and Mahlon DeLong, three key figures in the area of DBS and neuroscience. By clarifying the positions of the different protagonists and retracing the issues raised in these discussions, our objective is to show how this specific debate has extended from its initial space and how it provides an object of study with heuristic scope. We first present this partially polemic discussion about the history of DBS, and its link with a more general debate on the validity and use of animal models and the need for animal experiments. Then, we raise the issue of the relations and interactions between experiments on animals and on humans in the logics of biomedical innovation. The third step is to situate the discussion within the wider framework of opposition towards animal experimentation and the promotion of animal’ rights. Finally, combining these interweaved issues, possible implications emerge regarding the future of DBS. We show that behind these several controversies lie the question of translational research and the model of medicine upheld by DBS. We describe how the technology contributes to blurring the lines between research (fundamental, preclinical and clinical research) and care, as well as between humans and animals as substrates and objects of knowledge. The dynamics of DBS future development might then become a point of convergence for neuroscientists and animal rights defenders’ interests.
The proven effectiveness of neuromodulation and stimulation techniques for the management of psychiatric disorders has brought strongly needed innovation in psychiatry, given the high prevalence and high costs of treatment resistance. Although evidence-based guidelines in neuromodulation have been implemented to improve the clinical efficacy, safety, and research procedures, practical suggestions on how to design a psychiatric neuromodulation unit (PNU) are not available in the scientific literature. In this contribution, we have combined the results of a literature search with the suggestions of clinical psychiatrists, managers, and bioethicists who have had firsthand experience in building a PNU. Eleven key issues concerning the implementation and management of a PNU were identified: general context, team composition, environment, basic technical equipment, clinical versus research activities, target clinical population, education and training, interdisciplinarity, ethical aspects, regulatory and reimbursement issues, fund-raising, and partnership development. Moreover, a business plan comprising pragmatic solutions and recommendations for designing an efficient PNU was laid out.
Cet article offre une histoire de la stimulation cérébrale profonde depuis les années 1980. Cette technologie neurochirurgicale se situe à la croisée de nombreux mondes et intérêts des neurosciences cliniques et fondamentales, mais aussi commerciaux et industriels. Nous décrivons les dynamiques de son développement en offrant une description de la variété des dispositifs de soin et de recherche qu’elle génère et qui contribuent à structurer sa pratique.
Deep brain stimulation (DBS) is one of the most innovative treatments for a range of neurological and psychiatric conditions. As the practice spreads worldwide, this invasive neurosurgical technology has become the subject of major social, scientific, and ethical concerns about its regulation. In this article, I describe its implementation in a French neuroscience ward and the different forms of practice that structure and promote the development and circulation of this neuromodulation technology. I explore how alternative experimental uses of DBS and deviations from its original therapeutic objectives both interfere with and promote its dissemination. At first, it appeared that neuroscientists could use DBS as a powerful tool to create reproducible experimental human models of emotional or behavioral symptoms so as to explore the functions of the human brain in vivo. In parallel, implanted patients influenced the care program by viewing DBS as a potential technology of self-enhancement for a wide range of personal situations. These alternative uses of DBS have challenged its modes of regulation and standardization and have raised new medical, scientific, and moral controversies. These concern not only ethical and methodological norms of medical and scientific practices but also the anthropological tensions raised by the forms of life that are emerging from neuroscience and experimental practices.
Dans cet article, j’interroge les enjeux anthropologiques soulevés par la diffusion du discours naturaliste des neurosciences dans les sociétés contemporaines et l’idée qu’il offrirait aux individus une nouvelle manière de se penser et de se définir selon le cerveau et son fonctionnement. Pour cela, je décris les logiques selon lesquelles des personnes souffrant d’un trouble obsessionnel compulsif s’approprient des explications cognitives ou biologiques pour rendre compte de leur expérience de la maladie. J’avance l’idée que ces explications sont un idiome que les personnes mobilisent pour les registres d’action qu’il leur offre afin de reprendre le contrôle de leur trajectoire, d’agir sur leur environnement et de négocier les contraintes de la maladie. Plus que la construction d’une forme de vie fondée sur le biologique, ce langage s’inscrit dans des dispositifs qui le diffusent en écho des idéaux politiques et éthiques de la démocratie sanitaire et de l’empowerment. L’ensemble participe à construire la figure d’un individu souffrant d’un trouble psychiatrique qui pourrait agir sur son cerveau pour redevenir acteur de sa santé et rejoindre la communauté des citoyens.
Cet article retrace l’élaboration d’un essai clinique multicentrique français en psychochirurgie (i.e. le traitement chirurgical des troubles mentaux). À partir d’une observation ethnographique, il décrit comment un collectif de chercheurs et cliniciens est parvenu à faire émerger une pratique innovante et viable en adaptant la technologie à des enjeux et contraintes scientifiques et éthiques qui complexifiaient l’entreprise et lui étaient supérieurs. Il évoque ainsi comment un essai clinique peut être utilisé comme ressource stratégique et comme lieu de création et de réflexivité, adapté localement aux situations complexes de son utilisation. Marqué et façonné par son contexte d’élaboration, cet essai a suscité une innovation organisationnelle. Il a déplacé l’enjeu de démonstration lié à l’efficacité du traitement vers celui de la constitution d’un réseau de recherche innovant en psychiatrie.
L’expansion des neurosciences a conduit certains neurologues et psychiatres à repenser l’idée d’une fusion de leurs spécialités au sein d’une discipline neuropsychiatrique commune. A partir de l’ethnographie du développement d’une technologie thérapeutique pour des troubles neurologiques et psychiatriques par une équipe de neurosciences, cet article analyse en quoi ce projet interroge le statut épistémologique de la psychiatrie, de ses méthodes et de ses objets. Il décrit les différents dispositifs de recherche et de soin au sein desquels neurologues et psychiatres collaborent ainsi que les formes de pratiques, figures du malade et définitions des troubles qui en émergent. Si la technologie autorise l’ouverture de lieux de pratique communs, l’interrogation symétrique d’événements et la translation de problématiques entre les acteurs, le projet neuropsychiatrique se heurte cependant dans le soin à l’irréductibilité de la définition du trouble et du patient psychiatriques à la focale biologique.
Les centres d’investigation clinique (CIC) sont des structures implantées au sein des centres hospitaliers et dédiées à l’expérimentation thérapeutique et la recherche clinique sur l’homme. Créés au début des années 1990 par l’Inserm, ils ont comme particularité d’être partagés entre recherche et clinique. L’histoire de leur création permet d’éclairer les relations délicates entre ces deux pôles de la biomédecine en France, de mettre en perspective la politique de I ’Inserm dans leur rapprochement et de cerner les contours du modèle de recherche médicale promu depuis les années 1980. Les CIC jouent, au cœur de ces complexes interactions, un rôle de « zone d’échange » autorisant la collaboration d’acteurs aux méthodes et objectifs distincts autour de patients au statut anthropologiquement instable.
La remédiation cognitive recouvre en psychiatrie un ensemble de techniques qui visent à entrainer les compétences cognitives de personnes qui souffrent de troubles mentaux chroniques afin d’améliorer leurs conditions de vie et leur quotidien. Dans ce texte, je vais tracer les grandes lignes de l’agencement particulier de la remédiation cognitive tel qu’il se matérialise dans la pratique. J’interroge plus particulièrement le fait que les tensions et les évolutions de cette pratique se structurent en partie autour du couple institution-désinstitutionnalisation et autour des modalités d’organisation d’une pratique qui se fonde sur les idéaux et valeurs de la désinstitutionnalisation mais pensée par et depuis des services hospitalo-universitaires. Tout d’abord, j’amène des éléments pratiques puis historiques et conceptuels concernant le développement de la remédiation cognitive afin de saisir comment elle est pensée, organisée, pratiquée et les idéaux qu’elle transporte. Ensuite, j’expose certaines des tensions et ambiguïtés théoriques et épistémiques qui peuvent naître d’une pratique qui prétend répondre à la fragilité et à la précarité de la vie des personnes souffrant d’un trouble psychiatrique chronique en agissant sur la cognition. Enfin, j’analyse les conséquences d’une pratique qui étend ses objectifs à la réhabilitation psychosociale pour devenir un potentialisateur d’insertion sociale et professionnelle.
Il 31 marzo il Wall Street Journal ha pubblicato una tribuna intrigante in questo periodo di pandemia dal titolo We All Need OCD Now . L’autore, Elias Aboujaoude, psichiatra dell’Università di Stanford, offre una prospettiva quanto meno originale sulla situazione: oggi il disturbo ossessivo-compulsivo (DOC) non sarebbe tanto una malattia "che si ha" (è l’autore stesso che lo ...