De façon générale, l’intérêt de Chloé Lukasiewicz se porte sur l'ensemble des pratiques musicales tibétaines. Elle a déjà eu l'occasion, dans le cadre de son mémoire de master, de travailler sur la part sonore des rituels réalisés dans la pratique bouddhique tibétaine grâce à son terrain qui s’est déroulé en 2016 au couvent de Shugseb (couvent nyingmapa) dans le district de Kangra, Himachal Pradesh (Inde). Dans le cadre de sa thèse, Chloé Lukasiewicz s'intéresse aux chants traditionnels séculiers tibétains mang glu pratiqués par deux communautés tibétaines. L’une se trouve en exil en Inde et l’autre dans le district de Derong, au Khams, ancienne région du Tibet intégrée en partie à la province du Sichuan (Chine) depuis 1965. Avant la fuite des Tibétains en Inde à partir de 1959, ces chants appartenaient à la sphère « rurale » de la société. Chants de mariage, de récolte, de dallage des toits ou encore de barattage connus par tous, ils se démarquaient de ceux réalisés par des spécialistes dans le cadre, par exemple, du théâtre Ache Lhamo au sein de grands pôles urbains comme Lhasa et Shigatze.
En Inde et en Chine, Chloé Lukasiewicz s'intéresse aux modalités de transmission de ces chants et aux processus d'institutionnalisation qui ont prévalu au sein des établissements gouvernementaux à vocation pédagogique. Elle porte également son étude sur les critères qui ont présidé aux choix auxquels la direction de ces structures a dû procéder parmi le large répertoire musical tibétain pré-1959. Elle s’intéresse enfin au processus de standardisation du répertoire, du style vocal et de la scénographie de ces chants.
Par cette étude multi-située, Chloé Lukasiewicz souhaite rendre compte de la circulation et de la variation de ces chants. Elle souhaite également décrire les différences tant musicologiques que sociologiques existant dans les pratiques issues d’un même répertoire de part et d'autre de la chaîne himalayenne. A l’inverse du discours dominant qui tend à simplifier la notion « d’identité tibétaine », elle désire montrer qu’il n’existe pas une seule façon « d’être Tibétain ». Elle souhaite aussi rendre compte du discours tenu aujourd’hui par les Tibétains eux-mêmes sur la pratique et la place de ces chants au sein de leurs communautés respectives.
Chloé Lukasiewicz s'intéresse également aux musiques modernes diffusées sur internet par des tibétains en exil et en Chine ou encore par des chaînes chinoises de musique, à la place qu’elles tiennent dans la création d’imaginaires identitaires ainsi qu’à leur rapport avec les politiques culturelles chinoises et tibétaines en exil.
English Short Bio:
Chloé Lukasiewicz is a funded PhD Student in Ethnomusicology at Paris - Nanterre University (France) and is a member of the French Research Centre for Ethnomusicology – Laboratory for Ethnology and Comparative Sociology (French National Center for Scientific Research). She follows a Tibetan Langage and Culture Licence at the National Institute for Oriental Langages and Cultures (Paris). She has been trained in Musicology and Anthropology. She is also a musician and practices lyrical singing since 2001.
2020-2021, chargée du TD "Idées reçues sur la musique" avec Preciosa Dombele, Loïc Ponceau et Dimitris Gianniodis, durant le premier semestre
2019-2020, chargée du TD "Identité ethnique" avec Pierre Peraldi, durant le second semestre
C’est en Inde que le XIVe Dalaï-Lama et des milliers de Tibétains se sont réfugiés en 1959 pour fuir l’occupation et la répression chinoises. Quel impact la situation de réfugié a-t-elle eu sur les pratiques musicales et dansées traditionnelles séculières de cette communauté ? A Dharamsala, capitale des Tibétains en exil, en réponse à la menace de disparition de leur culture au Tibet, des institutions ont vu le jour dans le but de transmettre et de préserver les savoirs, comme ceux liés aux arts de la scène. Ce contexte a entraîné des changements qui ont impacté les pratiques musicales et dansées, les éloignant des pratiques « originelles ». Par ailleurs, en raison de la forte représentation de la population originaire de la région de l’Ütsang (et plus particulièrement de Lhassa) dans la construction de cette communauté, les répertoires nobles de cette capitale se sont imposés comme éléments de référence au détriment des pratiques musicales et dansées des autres régions du Tibet. L’asile a généré des processus qui ont eu des conséquences sur le plan musical et chorégraphique, mais également social, que l’approche ethnomusicologique nous permet de mettre au jour avec une certaine historicité.
Chloé Lukasiewicz a d’abord été formée à la musique classique (chant lyrique) avant de s’intéresser à l’ethnomusicologie. Elle met à profit ce bagage lorsqu’elle se rend en Inde et au Tibet pour en apprendre sur les musiques tibétaines, qui font l’objet de ses recherches depuis son master d’ethnomusicologie à l’Université Paris-Nanterre. Elle a accordé un entretien aux Cahiers du Nem, au cours duquel il a été question de musique, de culture et d’exil, entre le Tibet, la Chine, l’Inde et la France.
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici