La danse comme modèle d'interaction
Thesis entitled: Establishing Oneself by Dancing. Female Creativity and Prestige in Mayotte
Dance as a model of interaction
Chargée de cours en Méthode d'analyse de la danse M1 Emad et Trascription et analyse de la danse L3 dep. Anthropologie Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Chargée de cours en analyse et transcription de la danse M1/M2/ Choreus Mundus/ Anthropologie de la danse et des pratiques corporelles STAPS, Université Blaise Pascal de Clermonts-Ferrand
Le debaa, devenu emblème de la culture mahoraise, est pratiqué uniquement par les femmes de Mayotte, de toutes générations. Il s’agit de chants psalmodiés en langue arabe, composés à partir de qasîda (poèmes mystiques) louant les évènements les plus importants de la vie du Prophète Mahomet ou abordant l'amour et les valeurs éthiques chères aux soufis. Cet art allie la dévotion à une recherche créative permanente. Disposées en ligne, les femmes exécutent à l'unisson une chorégraphie lente et élaborée qui mobilise principalement le buste et les bras et met en valeur les qualités les plus appréciées des femmes mahoraises, telles que la grâce, la retenue, la maîtrise, ainsi que l'adab - le savoir-vivre, et le ustaarabu - les belles manières.
Le debaa est art musico-chorégraphique d’inspiration soufie réalisé par les femmes de Mayotte. Aussi bien dévotionnelle que récréative, cette pratique met particulièrement en valeur les qualités les plus appréciées de la féminité mahoraise, à savoir la grâce, la douceur, la retenue et les belles manières. Il s’agit de qualités pas uniquement esthétiques, mais aussi morales, caractérisant les archétypes de la meilleure épouse et dévote musulmane. Lors de rencontres inter-villageoises entre différentes associations de praticiennes, le debaa devient une véritable compétition. Le but est de surprendre en créativité, expertise et qualité d’interprétation. Des comportements transgressifs peuvent alors apparaître. Si certains sont considérés comme de la « bonne concurrence », d’autres ne peuvent pas être assumés individuellement. La possession peut alors représenter une échappatoire pour éviter un jugement négatif et aussi un moyen pour légitimer des comportements déplacés, mais qui visent toutefois à affirmer des valeurs fondamentales de la communauté.
Cette thèse propose une étude du debaa, un art musico-chorégraphique d’inspiration soufie. Cette pratique, emblème de la socialité féminine, a été utilisée comme prisme pour observer l'éthos des femmes mahoraises. La démarche de l'auteur est double. D'une part, par une participation corporelle intense, son expérience est devenue une source de réflexion et de connaissance. D'autre part, les éléments formels et performatifs de la danse ont été étudiés avec la Cinétographie Laban, un système de notation du mouvement. Cette double perspective, centrée sur l'analyse des qualités gestuelles, des manières de faire, des modalités de présence, a révélé l'interaction entre le vécu corporel, l’intentionnalité et l’affirmation de valeurs communautaires. L’objectif d’étudier cette religiosité féminine ludique, inventive et solidaire a accordé une importance capitale à la parole des femmes. La thèse montre que le debaa a connu une évolution historique grâce à des initiatives individuelles et créatives de certaines maîtresses coraniques. Ces initiatives ont été stimulées à la fois par le rôle important des femmes dans le processus de départementalisation de Mayotte et par la nécessité de sauvegarder la moralité des filles conformément aux coutumes traditionnelles dans une société en pleine mutation. À travers le debaa, les femmes ont trouvé une sorte d'arène où elles expriment leur convivialité ainsi que leurs rivalités pour le prestige personnel et familial. Cette thèse démontre l'intérêt de se pencher sur les propriétés formelles de la danse et sur des éléments corporels qui peuvent sembler à première vue marginaux ou éphémères - la qualité d'un toucher, la direction d'un geste, d'un regard - afin de comprendre des aspects essentiels de la structuration des relations sociales.
Partant du mbiwi, danse par excellence des cérémonies de mariage à Mayotte, le film remonte aux rites d'initiation féminine de l'unyago, encore présents dans l'océan Indien, notamment à Zanzibar, puis illustre d'autres danses du même genre. Loin d'être de simples danses de séduction, ces pratiques permettent aux femmes d'affirmer une subjectivité féminine puissante et créative et de construire une socialité solidaire et engagée dans le collectif. En mettant en scène un ethos social spécifiquement féminin, elles démontrent la maîtrise par les femmes des affaires liées au mariage et, par conséquent, leur capacité à contrôler une part importante de l'économie familiale et de la stratification sociale par le biais des alliances matrimoniales. Ainsi, à travers la danse, les femmes revendiquent une sexualité et une sensualité créatives qui constituent un rempart contre le pouvoir dominant et leur permettent de conserver un espace de liberté, d'action et de décision important.
À Mayotte, des milliers de femmes de tous âges dansent et chantent le debaa, un art fondé sur des poèmes mystiques soufis louant la vie du prophète Mohammad. Vêtues de leurs tenues traditionnelles, portant des masques de beauté, de bijoux et de jasmins, les femmes dansent une chorégraphie lente, raffinée et envoûtante, qui mobilise principalement les bras et le haut du corps. Elles montrent une manière féminine de vivre la religion, dont l'art du paraître joue un rôle fondamental. Plusieurs groupes s'affrontent lors de rencontres, faisant de la debaa une compétition où la poésie, la musique et la danse sont les seules armes. Le film montre la passion de ces femmes et leur engagement, et donne une nouvelle image de la femme musulmane, de l'Islam et de Mayotte. En toile de fond, on retrouve l'aspiration des femmes musulmanes du monde entier à un islam de paix, où les libertés individuelles et le besoin d'expression sont fondamentaux. Nous découvrons comment elles préservent leurs traditions tout en s'adaptant aux changements sociaux et sociétaux qui ont eu lieu au cours des vingt dernières années sur leur petite île "française" au milieu de l'océan Indien. Sur un ton léger, elles abordent les contradictions et les difficultés de la vie quotidienne dans un contexte qui reste marqué par une logique post-coloniale, bien que ce territoire bénéficie du statut de région ultrapériphérique européenne.
À Mayotte, des milliers de femmes de tous âges dansent et chantent le debaa, un art fondé sur des poèmes mystiques soufis louant la vie du prophète Mohammad. Vêtues de leurs tenues traditionnelles, portant des masques de beauté, de bijoux et de jasmins, les femmes dansent une chorégraphie lente, raffinée et envoûtante, qui mobilise principalement les bras et le haut du corps. Elles montrent une manière féminine de vivre la religion, dont l'art du paraître joue un rôle fondamental. Plusieurs groupes s'affrontent lors de rencontres, faisant de la debaa une compétition où la poésie, la musique et la danse sont les seules armes.