[English version below]
Francesca Cozzolino est enseignante de sciences humaines et sociales à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, chercheure associée à EnsadLab, laboratoire de recherche en art et design et membre affiliée au Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative (LESC) de l’université Paris Nanterre. Ses travaux de recherche se situent à la croisée de l’anthropologie de l’art, l’anthropologie de la culture matérielle et des visual studies.
Thèmes de recherche :
Anthropologie de la création artistique, anthropologie comparative, transferts et circulations dans les cultures visuelles, culture matérielle, inscriptions urbaines, fonctions et usages de l’image et de l’écriture dans la ville, graphisme, design, savoirs empiriques.
Parcours de recherche :
Historienne de l’art de formation, Francesca Cozzolino s’est tournée vers l’anthropologie en 2003, lorsqu’elle commence une ethnographie sur un phénomène de peinture murale en Sardaigne (à Orgosolo). Celle-ci fera l’objet de sa thèse de doctorat en anthropologie sociale et culturelle, soutenue à l’EHESS, sous la direction de Béatrice Fraenkel en 2010. Ce manuscrit sera le point de départ pour la rédaction d’un ouvrage paru en 2017 aux éditions Karthala sous le titre Peindre pour agir. Muralisme et politique en Sardaigne.
Ce travail s’attache à considérer les images et les écritures qui s’affichent dans l’espace public du village d’Orgosolo comme des entités agissantes dans une complexité de relations sociales. Dans cette enquête elle s’interroge sur les logiques interactives qui configurent les relations entre les différents acteurs de la vie sociale et entre ceux-ci et les peintures murales. Ainsi elle analyse tout autant les pratiques graphiques dont ces artefacts sont issus que les manières d’agir par la production de ces peintures murales, les formes de réaction à ses images et leurs fonctions.
Depuis 2010 elle a réalisé plusieurs enquêtes dans le monde de l’art et du design et mené plusieurs missions de recherche en France et à l’étranger (Europe, Etats-Unis, Benin, Mozambique) en se spécialisant dans l’ethnographie des pratiques artistiques et en développant une ontologie descriptive de la création.
Plus récemment, selon une perspective comparative et transdisciplinaire, et poursuivant ses recherches sur la fonction des artefacts graphiques, elle mène des travaux de recherche qui interrogent les transferts et la circulation entre différentes cultures artistiques et la construction des savoirs empiriques par la création en art et en design.
Ses travaux actuels défendent une anthropologie qui s’intéresse à la création, dans la diversité de ses pratiques (design, art contemporaine, graphisme) et dans différents contextes culturels en s’attachant plus précisément à une analyse de la création dans les dimensions interactive, matérielle, située et performative. Par ces enquêtes, elle s’attache, d’une part à comprendre l’efficacité de la matérialité de la création (maquettes, dessins, tableaux, schémas, graphiques faits à l’ordinateur), à l’encontre d’une vision idéaliste de la conception; de l’autre, en renouvelant une vision symboliste de l’art, à comprendre comment la création participe de la fabrique du social (enjeux identitaires et culturels) et le performe.
Elle a publié plusieurs chapitres d’ouvrages et articles scientifiques et elle contribue régulièrement à des revues d’art et de design ou des catalogues d’exposition. Elle collabore avec des artistes en mettant en œuvre des projets au croisement entre art et sciences sociales à forte dimension expérimentale et spéculative.
Francesca Cozzolino teaches human and social sciences the École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs in Paris, and serves as an associate researcher for Ensad Lab, laboratory for research in art and design, and as an affiliated member of the Laboratory of Ethnology and Comparative Sociology (LESC) at University of Paris Nanterre. Her research is situated at the crossroads of the anthropology of art, the anthropology of material culture, and visual studies.
Research themes:
Anthropology of artistic creation, comparative anthropology, transfers and circulation in visual cultures, material culture, urban inscriptions, functions and uses of image and writing in the city, graphics, design, and empirical knowledge.
Research history:
Art historian, Francesca Cozzolino turned towards anthropology in 2003, when she started an ethnography on a mural painting phenomenon in Sardinia (in Orgosolo). This became the subject of her doctoral thesis in social and cultural anthropology, defended at the EHESS, under the direction of Béatrice Fraenkel, in 2010. This manuscript became the starting point for a book published in 2017 with Karthala Editions, entitled Peindre pour agir. Muralisme et politique en Sardaigne.
This work frames images and writings in public spaces in the village of Orgosolo as entities acting in a complex web of social relations. In this study, she investigates the interactive logics that shape the relationships between different actors of the social life in Orgosolo, and among these actors, mural paintings. She analyses the mural artists’ graphic practices as well as ways of acting through the production of these murals, forms of reaction to these images, and their functions.
Since 2010, she has completed several studies in the art and design world and led several research in France and abroad (Europe, United States, Benin, Mozambique), specialising in the ethnography of artistic practices and developing a descriptive ontology of creation.
More recently, employing a comparative and transdisciplinary perspective and conducting research on the function of graphic artefacts, she has led studies investigating exchanges and circulation between different artistic cultures and the construction of empirical knowledge by creation in art and design.
Her current work defends an anthropology that focuses on creation, diversity in creation practices (design, contemporary art, graphism), and different cultural contexts, more specifically endeavouring to analyse creation in its interactive, material, situated, and performative dimensions. Through this research, she strives on one hand to understand the efficacy of the materiality of creation (models, drawings, boards, schemas, computer-made graphics)against an idealistic vision of conception, and on the other hand, in renewing a symbolist vision of art, to understand how creation participates in the fabric of the social (identity and cultural issues) and the performed.
She has published several book chapters and scientific articles, regularly contributes to art and design reviews and exhibit catalogues, and collaborates with artists by implementing projects at the crossroads between art and social sciences, with an emphasis on a speculative and comparative dimension.
Ce numéro tente de répondre à l’invitation d’Arjun Appadurai à développer une « anthropologie du futur » qui rendrait compte de « la construction des avenirs culturels ». Nous l’avons donc axé sur des pratiques d’écriture qui nous semblaient, pour la plupart, relever des trois préoccupations qui, selon lui, modèlent le futur : l’imagination, l’anticipation et l’aspiration. Ce numéro voudrait mettre en valeur et en discussion des usages nouveaux de l’écriture portés par de grands domaines que nous avons privilégiés en raison de leur vitalité scripturaire : les mouvements militants, les écritures artistiques et le monde des professionnels de l’écrit (chercheurs, graphistes).
Part 1 is a collection of articles developing the main questions debated during a "jornada de estudos" held in September 2014. Part 2 is a catalog of an exhibition, "Escritas urbanas de Maputo: ler, escrever, agir na Cidade" = "Les écritures urbaines de Maputo: lire, écrire, agir dans la Ville", held at the Centro Cultural Franco-Moçambicano, Maputo, 16-20 September 2014. The final part describes graphic creations inspired by the writings of Maputo.
L’objectif de cet article est d’interroger la dimension politique de la patrimonialisation d’artefacts produits par les communautés autonomes du Chiapas et acquis en 2021 par le musée Reina Sofía de Madrid, dans le cadre d’une réorganisation de ses collections à visée décoloniale. En retraçant le processus d’acquisition de ces artefacts et leur mise en scène dans les collections du musée, nous souhaitons faire émerger la dimension critique de cette exposition des productions autochtones sur une scène majeure de l’art européen. Notre analyse porte avant tout sur les choix qui sous-tendent cette opération patrimoniale, à partir d’entretiens conduits avec les responsables des collections du musée ainsi que les dynamiques de réécriture de l’héritage colonial qui en résultent. Pour ce faire, nous mettons en résonance l’étude du processus de patrimonialisation de ces artefacts avec les discours produits par les zapatistes eux-mêmes et ceux des réseaux militants soutenant leur voyage en Europe en 2021. Cette acquisition, qui participe de la politique d’inclusion d’objets produits par des acteurs du Sud dans le discours muséal, se révèle être un cas singulier d’intrusion. L’enquête ethnographique dévoile les controverses de processus de patrimonialisation et la situation exceptionnelle qui permet l’arrivée en Europe des productions zapatistes. Elle permet de saisir la portée politique de cette intrusion cachée.
Cet article prend la forme d’un dialogue co-écrit par les anthropologues Francesca Cozzolino (EnsadLab/Lesc, Paris) et Francisco de Parres Gómez (Universidad Veracruzana, Xalapa) sur les stratégies de communication mises en place par les communautés autonomes zapatistes (Chiapas, Mexique) durant les dix dernières années. Le dialogue s’ouvre avec une approche historique de la relation entre esthétique et zapatisme élaboré au regard des événements artistiques plus récents de l’histoire du zapatisme en mettant en lumière leur force symbolique et politique. Par la suite deux scènes ethnographiques constituent le cœur de l’article : un atelier de dessin organisé au sein du festival CompArte de 2018, et une peinture murale réalisée par des étudiants étasuniens en résidence dans un caracol la même année. Sont ici analysées des pratiques de communication visuelle et leur inscription dans des logiques de réseaux qui échappent à l’auteurisation et entremêlent une multiplicité d’acteurs. Ce phénomène d’auteurisation « distribuée » amène à penser la signature collective moins comme le refus de la posture d’auteur que comme une stratégie de visibilité d’actes graphiques voulant faire réseau.
Cet article rend compte de la collaboration entre une artiste et une anthropologue ayant entrepris une recherche commune par l’image sur l’iconographie zapatiste s’appuyant sur une enquête ethnographique au Chiapas. La mise en relation de nos données et de nos méthodes de travail nous a amenées à produire un atlas visuel interactif constitué des images issues de différentes sources, temporalités et régimes d’historicité. En nous inspirant de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg et de sa méthode, nous avons élaboré un dispositif visuel nous permettant de mettre en relation ces images par des effets de voisinage et de ressemblance formelle ou symbolique dans l’intention de faire émerger les contacts et les circulations entre différentes cultures visuelles et politiques. Cette recherche collaborative se nourrit des travaux d’anthropologues ayant expérimenté des formes d’écriture qui vont au-delà du texte et vise à produire une forme visuelle d’analogie ethnologique. L’article présente les enjeux épistémologiques et méthodologiques du dispositif de narration visuelle qui résulte de cette collaboration prônant un « savoir sensible ».