Thesis entitled: Beyond the True and False. Copies of African Art in Burkina Faso
Au Burkina Faso, le marché de l’art africain est traversé de nombreux secrets. Y conduire une ethnographie révèle à l’ethnologue les paradoxes inhérents à sa démarche de recherche, visant notamment la diffusion de ces secrets. Résoudre théoriquement ces paradoxes et élaborer des solutions concrètes pour mener à bien une telle recherche permet de nourrir les débats actuels concernant la politique de la science ouverte. Cet article met en exergue les spécificités du registre de savoir des acteurs du marché et les modalités de sa circulation. Il insiste sur la valeur heuristique de la prise en compte, par le chercheur, des attentes des ethnographiés vis-à-vis du savoir coproduit et détaille les solutions mises en place pour diffuser ce dernier. Ce faisant, il propose des pistes de réflexion quant à l’équilibre à trouver entre dire (ou écrire) et taire.
Des journées doctorales portant sur le thème de l’anthropologie critique et de la critique politique ont été organisées au Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (lesc - umr 7186) les 22 et 23 juin 2017, par Julie Cayla, Violaine Héritier‑Salama et Brett le Saint (doctorants). Ouvertes aux doctorants et jeunes docteurs rattachés à d’autres institutions, ces journées avaient pour ambition d’engager, par la voix de jeunes chercheurs, une réflexion collective autour des finalités de l’anthropologie, de la praxis du chercheur sur les différents lieux de la production du savoir, et des liens possibles ou souhaitables entre connaissance anthropologique et engagement politique. Après une rétrospective de ces problématiques et débats, depuis les fondements mêmes de la discipline jusqu’à nos jours (en France comme dans le monde anglo-saxon), cette rencontre s’est organisée en trois demi‑journées thématiques reflétant une certaine temporalité de la recherche.
Longtemps délaissés par les Burkinabè, les objets qui composent le répertoire de l’art africain deviennent les supports d’un engouement récent parmi les classes moyennes et supérieures des villes du pays. Hier objets magico-religieux, de pouvoir ou encore du quotidien, ils deviennent aujourd’hui des œuvres d’art qui ne sont plus uniquement appréciées par leurs artisans, leurs marchands et leurs clientèles occidentales habituelles. Ma thèse est alors portée par le désir d’interroger l’expérience esthétique de l’art africain de ces professionnels et nouveaux acheteurs de ce marché, et donc celui de saisir les évolutions récentes quant aux conceptions locales de l’œuvre et de l’art. J’ai choisi d’allier une approche holistique du marché, qui prend en compte les interactions entre toutes les catégories d’acteurs en présence, à une observation minutieuse des relations que développent les personnes avec les œuvres en question – et ce, quelles que soient leur place dans la hiérarchie des valeurs (en d’autres termes, qu’il s’agisse d’œuvres « originales », ou de « copies », les grandes catégories de celle-ci). Je me suis intéressée à la manière dont se constituent et se transmettent les opinions de goût, et cela, à travers le prisme des pratiques de fabrication, de vente comme d’exposition des pièces. Je montre finalement que ces objets sont aujourd’hui de plus en plus mis en valeur par les Burkinabè parce qu’ils suscitent en eux de vifs sentiments (de fascination et de passion, de nostalgie mais aussi de dégoût) et leur donnent accès à tout un monde de connaissances et d’imaginaires, notamment en lien avec le milieu rural dont les pièces, comme eux, sont censés être originaires. L’art et les œuvres deviennent des moyens par lesquels ils peuvent eux-mêmes faire le récit de leur passé et ainsi refonder leur histoire et leur identité, tout en donnant à leur existence une meilleure visibilité dans la société contemporaine. En faisant émerger de nouvelles formes et de nouveaux aspects d’œuvres (illustrant la vie des campagnes avec des patines éclatantes, notamment) et en leur associant des usages inédits (de décoration d’intérieur et de collection, entre autres), ces récents acteurs du marché de l’art africain participent à l’émergence de nouveaux paradigmes de l’art au Burkina Faso ; véritables reflets des enjeux contemporains qui traversent la population urbaine (entre réinterrogation des traditions et cosmopolitisme).
Les archives photographiques et textuelles aujourd’hui conservées à l’IFAN-CAD de Dakar permettent de redonner corps au maillage territorial de cet Institut pluridisciplinaire d’origine coloniale. Déployé de 1936 à 1960 à travers toute l’AOF, et au-delà, il a accueilli une variété de pratiques scientifiques, muséales, mais aussi photographiques.