[English version below]
Musique vocale et cosmologie dans le monde arabo-musulman
Portant sur le monde arabe, et particulièrement sur le Yémen, la Péninsule arabique et le Liban, les travaux de Jean Lambert explorent les relations entre pratiques musicales locales et significations globales de la culture arabo-islamique : contexte de performance, pratiques rituelles, représentations mythologiques, formation des identités contemporaines.
Du fait de la transcendance monothéiste, opposant une langue d’inspiration divine à une musique confinée au monde humain, cette dernière a un statut symbolique ambigu : elle est centrale pour les rituels mais elle n’y est pas reconnue comme telle ; elle est adulée mais ses interprètes sont méprisés ; elle est peu analysée mais contribue à une « médecine de l’âme ».
Cette ambivalence rejoignant un problème plus universel (« si la musique parle elle aussi (…), ce n’est (…) qu’en raison de son rapport négatif à la langue », selon Claude Lévi-Strauss), la culture arabo-islamique offre une configuration favorable pour montrer comment la musique vocale est un vecteur privilégié de l’expression émotionnelle. A moyen terme, la recherche sera consacrée à l’étude de cette immense zone grise et « feuilletée » existant entre langage et musique : les fonctions cognitives de la poésie dans l’organisation musicale ; les différentes formes de métrique poétique appliquées aux états de la langue arabe ; les diverses formes de parlé-chanté, religieuses ou profanes.
Centring on the Arab world, and specifically on Yemen, the Arabian Peninsula, and Lebanon, Jean Lambert’s work explores the relationship between local musical practices, and Arab-Islamic culture’s global meanings: context performance, ritual practices, mythological representations, formation of contemporary identities. Owing to monotheist transcendence, which opposes a language of divine inspiration to a music confined to the human world, the latter has an ambiguous symbolic status: it is central to rituals but it is not recognised as such; it is worshipped but its interpreters are despised; it is little analysed but contributes to a “medicine of the soul.”
This ambivalence joins a more universal problem (“si la musique parle elle aussi…ce n’est…qu’en raison de son rapport négatif à la langue”, according to Claude Lévi-Strauss [if music also speaks, it is only because of its negative relationship to language”]), Arab-Islam culture offers a favourable configuration to show how vocal music is a privileged vector of emotional expression. In the medium-term, the research will be dedicated to the study of this large grey, “flaky,” zone and that exists between language and music: the cognitive functions of poetry in musical organisation; the different forms of poetic metric applied to states of Arabic; the various forms of spoken-song, either religious or profane.
Cours :
- Cours de licence : "Introduction à l'ethnomusicologie"
Université Paris X-Nanterre : de 1999 à 2003
- Cours de master : "Ethnomusicologie du monde arabe et du monde musulman"
Université Paris X-Nanterre : de 1999 à 2003
puis cours de licence, même intitulé : UPO : 2008 à 2013.
Direction de maitrises, DEA et masters
1999 : Nidal Abû Samra : Les chants et la musique de mariage dans les villages chrétiens du Sud Liban (Jezzine, Marjayou, Bint Jbayl) (en arabe), Université de Kaslik, Liban
2001 : Bertrand Cheret : Oud 'arbî, oud tunsî. Le luth maghrébin à quatre cordes : essai d'identification (facture, organologie, performance, Université Paris X-Nanterre.
2001 : Jean Pouchelon : Gnaouas d'Essaouira et de Fès. Etude comparée, Paris X-Nanterre
2002 : Cécile Funke : La musique du Gourara : ahellil et tagerrabt, Paris X-Nanterre.
2013 : Waed Bouhassoun : Les chants du rituel funéraires chez les druzes du sud de la Syrie (djebel al-Arab), Université Paris-Ouest Nanterre (UPO)
2015 : Anis Fariji : Forme et improvisation musicales sous le signe du sacré : le cas de la récitation coranique. La récitation collective marocaine et la récitation maqâmique égyptienne. UPO Nanterre
Tutorat de maitrises, DEA et masters
1999 : Muhammed Moumen, Pratiques et chants de la confrérie madanite de Tunisie, Paris VIII-St Denis.
2003 : Hasan Tabar : De la musique classique de l'Iran entre 1898 e 1940. Transformations musicales et évolution sociale des musiciens, Paris VIII-St Denis.
Directions de thèses
2002 : Nidaa Abou Mrad : Tradition musicale savante et renaissance de l'Orient arabe. Esquisse d'une philologie mélodique (en arabe), Université de Kaslik, Liban
2010 : Marcel Akiki : Les chants syllabiques de mariage au Mont Liban. Une première approche ethnomusicologique. Université de Paris Ouest Nanterre-La Défense
2012 : Séverine Gabry : Anthropologie de la musique copte : tradition, patrimonialisation, identité. UPO Nanterre-La Défense
2014 : Maryam Gharasou : Du Malheur à l’initiation. Les cultes de possession du Zar et leurs musiques (Hormozgan, Iran). UPO Nanterre-La Défense
2020 : Waed Bouhassoun : Chants et rituels du cycle de la vie chez les druzes de Syrie. Approche ethnomusicologique. UPO.
2022 : Ghassan Sahhab :La cithare sur caisse, qânûn, au Proche-Orient, entre pratique et théorie : évolution d'un instrument de musique "traditionnel" au XXe siècle. UPO.
2022 : Yassir Boussellam : La musique andalouse marocaine al-Âla : approche anthropo-historique, transformations et identité culturelle. UPO
Tutorat de thèses
2001 : Maya Saydani : La musique du Constantinois. Contexte, nature, transmission et définition
(Sorbonne-Paris IV).
Jury de thèses :
2007 : Leila Habbachi : Les styles vocaux dans l'interprétation du muwashshah arabo-andalou de Tunis, Université de la Sorbonne, Paris IV.
2009 : Yousef al-Maghrebi : Tradition et modernité dans la Musique arabo-andalouse libyenne, Université de Rouen.
2010 : Estelle Amy de la Bretèque : La passion du tragique. Paroles mélodisées chez les Yézidis d'Arménie, UPO.
2012 : Aliénor Anisensel : Le sens d'une tradition élitiste dans le Viet-Nam contemporain, UPO.
2012 : Chahrazed Helal : La création musicale entre tradition et modernité: approche analytique du répertoire de Mohammed 'Abd al-Wahhâb, Sorbonne, Paris IV.
2012 : Eckehardt Pistrik, Singing Nostalgia. Migration, Culture and Creativity in South Albania, Université de Halle, décembre 2012
2013 : Brice Gérard : Histoire de l'ethnomusicologie en France entre 1929 et 1961, EHESS
2014 : Abdulmonam Ben Hamed : La tradition citadine libyenne et son acculturation. Étude du chant tripolitain (1960-2010). Université de Nice
2015 : Jean Pouchelon : Les Gnawa du Maroc : intercesseurs de la différence ? Etude ethnomusicologique, ethnopoétique et ethnochoréologique. UPO Nanterre.
2015 : Mohammed Merati : Les formes fondamentales de la musique kurde d'Iran et d'Irak : hore, siâw-çamane, danses, maqâm. UPO Nanterre
150 photos
photos, gloss., index, 1 CD encarté
Le luth monoxyle qanbûs ou tarab a joué un rôle central dans la musique du Yémen jusqu’au milieu du XXe siècle. Actuellement en voie de disparition, il présente plusieurs énigmes sur le plan historique, organologique et anthropologique. Selon des hypothèses historiques plausibles basées sur l’iconographie et la philologie, sa genèse remonterait à une forme de luth monoxyle (fabriqué dans une seule pièce de bois). apparue pour la première fois en Asie centrale avant le début de l’ère chrétienne. Cette forme se serait ensuite diffusée dans le monde arabe à travers la Perse sassanide, puis jusqu’au Yémen entre le XIIIe et le XVIe siècle, et de là, dans l’océan Indien, dans le monde malais et le monde swahili, avec l’émigration yéménite. C’est à Sanaa que l’instrument est le mieux documenté, grâce aux témoignages d’histoire orale. Le livre porte une attention particulière à sa description morphologique, ainsi qu’à son analyse organologique et de lutherie comparée. En effet, cet instrument n’est pas seulement monoxyle, mais il est aussi mono-cave (le manche et la caisse ne formant qu’une seule cavité). Enfin, imprégné de la culture des lettrés et des artisans de Sanaa, ce luth fait l’objet de représentations anthropomorphiques qui suscitent de nombreuses questions anthropologiques et d’histoire des mentalités. Mais c’est certainement grâce à sa petite taille et à sa caisse monoxyle que cet instrument a résisté au puritanisme et a traversé les océans. Contributeurs : Pierre d’Hérouville, Nizār Ghānim, Werner Graebner, Larry F. Hilarian, Muḥammad al-Jumā‘ī, Jean Lambert, Samir Mokrani, Christian Rault.
un volume français-anglais, 335 p ; un volume arabe : Al-mujtama ‘ al-madanî. Al-jam‘iyyât wa-l-idârât al-mahalliyya, 370 p
Le ressort principal de l'humour musical chez les Arabes est l'imitation vocale d'instruments de musique. Quels procédés sont utilisés ? Quelle relation entretiennent-ils avec la culture ? Depuis le Moyen Âge, la voix chantée avait une supériorité esthétique et morale sur les instruments, qui devaient l'imiter. Si cette norme a perduré jusqu'à nos jours, comment la parodie vocale s'articule-t-elle avec elle ? A travers l'analyse de deux pièces vocales yéménites, une imitation de musique militaire et une parodie de musique moyen-orientale par un chantre religieux, puis l'analyse de deux imitations plus ciblées d'instruments en Egypte et en Syrie, l'article montre comment ces performances, tout en conservant une relation intime avec la voix chantée (par un dialogue entre voix et instrument, par des syllabes non syntaxiques), représentent aussi une inversion de l'esthétique traditionnelle : il s'agirait alors d'une véritable révolution intégrant l'instrument et la technique dans une esthétique plus globale.
avec un CD et un DVD
existe en version française : Le ‘quanto syllabique’ : métrique poétique arabe et rythmique bichrone au Yémen.
"The Song of Sanaa", al-ghinâ al-sancânî, is the most ancient tradition of urban music known in Yemen and in the Arabian Peninsula. It developped along with a poetical tradition, the homaynî, in colloquial Arabic, which was born in Yemen around the 14th century. In this vocal and instrumental form, the singer accompanies himself with the south-arabian short-necked lute, the qanbûs or tarab, which was smaller than the arabian lute, (cûd), and covered with a goat skin. Some consider this form as the classical music of Yemen.
Coffret de 18 CD [Intégrale des enregistrements], livret trilingue français, anglais, arabe, 250 p.