Son mémoire de master, réalisé avec le trio rhônalpin France (Yann Gourdon, Mathieu Tilly et Jérémie Sauvage), s'attachait, en plus de poser l'ensemble musical comme échelle pertinente pour la recherche, à comprendre comment ces trois musiciens agissent, ensemble et séparément ; ce qu’ils construisent et montrent à, pour et avec ceux qui les entourent. Composée d’un écrit et d'un triple objet audiovisuel (élaboré pour être projeté d'une manière spatialisée) articulés, cette exploration analytique et formelle de la réalité sensible des trois musiciens est à la fois un accès à la performance et à leur mode d’existence collectif.
Dans cette continuité, sa recherche en cours s'intéresse aux réseaux du « faire soi-même » (et donc forcément du « faire ensemble »), de l'expérimentation et de l'autogestion musicale, principalement dans l'espace français. Lui-même acteur de ces milieux, il utilise son expérience - auditeur, musicien, organisateur, éditeur - comme cadre d'un espace d'investigation multiple et vaste (spatialement et temporellement), potentiellement sans limites.
Ces tentatives politiques et esthétiques de se placer « à côté » des standards musicaux actuels apparaissent comme autant de processus de ré-appropriation où faire, enregistrer, écouter ou encore éditer de la musique participe à un même élan « horizontalisant », plaçant les acteurs dans une démarche semblable. A travers celui-ci s'expriment et se forment - sans pour autant se figer - des façons analogues de comprendre le monde et de faire communauté.
Ainsi, si la mondialisation appauvrit et fait (prétendument) perdre ses spécificités à certaines musiques dites locales, elle produit dans le même temps de nouvelles « localités musicales », s'incarnant en une myriade de pratiques et d'objets musicaux singuliers, où des rapports différents et multiples à la territorialité et à la tradition sont développés.
Prenant place dans ma troisième année de thèse, cette présentation sera l’occasion de revenir sur des investigations menées depuis 2020 au sein de communautés musicales notamment caractérisées par des pratiques expérimentales et expérientielles. Souvent qualifiées d’underground, alternatives, marginales ou DIY (Do it Yourself), celles-ci se trouvent marquées par une volonté de ré-appropriation artisanale des processus musicaux - mais aussi plus amplement artistiques et vitaux - entrainant des mises en oeuvre et compréhensions particulières de ceux-ci. Jouer, enregistrer, écouter, éditer de la musique, organiser un concert participe ici à un même élan « horizontalisant » - auquel l’ethnomusicologue n’échappe pas -, amenant les acteurs à une démarche de définition commune du musical. À Strasbourg, Vaulx-en-Velin, Bruxelles, Marseille ou Montreuil, cet entrelacs se trouve toujours reconfiguré, enrichi et partagé, au fil des concerts, écoutes, tournées, rencontres, résidences, fêtes, enregistrements et déplacements par de nombreuses personnes et entités, souvent polyvalentes - musiciens et artistes, espaces de création, éditeurs, radios, organisateurs, lieux de vie, d'exposition et de concert, enthousiastes bénévoles et investis. Une salle de concert non déclarée et autogérée, proposant une programmation hétéroclite, à la fois exigeante et ouverte ; une collection de disque personnelle ; la tournée d'un ensemble musical cheminant entre différents lieux ; un lieu d'échange et d'écoute online ; une colocation servant aussi d'espace de création, où s’organisent également ponctuellement des festivités : cette constellation d’écosystèmes socio-esthétiques, où se déploie un faire hétéroclite et émancipateur, apparaît comme un endroit pertinent - quoiqu’éclaté et vaste - de la recherche. Ancrés dans un univers contre-culturel affirmé et composite, dépassant souvent la seule sphère du musical, ces pratiques (manières de faire et de s’organiser), conceptions et réseaux se frottent, se superposent en des endroits, entrent en dissonances en d’autres. Ils s’inscrivent dans une historicité foisonnante (Do It Yourself du punk, art brut, pensées libertaires et de l’autogestion politique, free parties, recherches artistiques et scientifiques, luttes pour les minorités…) et s’incarnent dans des esthétiques diverses, singulières et hybrides, rendant a priori difficile la circonscription d’un objet d’étude qui semble sans cesse s’échapper. Mais c’est justement dans cette complexité traversée par des compréhensions et pratiques similaires que celui-ci se dessine.