Cette thèse porte sur les formes d’interprétation et de commémoration des bandits ottomans dits zeybek dans la région Égée en Turquie contemporaine. À la période ottomane tardive (XIXème), cette appellation désignait des « bandits-paysans », autochtones et bien ancrés dans le tissu social de région, pour les distinguer d’autres groupes criminels. De nos jours, zeybek est également le nom d’une tradition musicale et chorégraphique composée d’airs à danser, de mélodies et de poésies chantées, devenu emblématique de la région au sein de l’espace national. J’entreprends dans ce travail l’analyse de la relation circulaire entre deux composantes de la culture locale : d’une part la constitution d’un savoir sur les bandits zeybek, et d’autre part la performance du répertoire artistique éponyme.
J’ai pour cela mené une enquête ethnographique à Tire, petite ville située au cœur de la province d’Izmir, auprès de folkloristes, danseurs, historiens de province, et entrepreneurs culturels. Je propose de suivre ces acteurs dans leur quête des traces des bandits zeybek et des performances poétiques à travers lesquelles ils prétendent restituer l’univers de leur héros culturel, et construisent ce qu’ils appellent la « culture zeybek ». Les activités étudiées vont de l’écriture de l’histoire locale aux célébrations rituelles, en passant par la danse et le reenactment (reconstitution historique) filmique. La référence aux temps ottomans et à la guerre gréco-turque (1919-1922) est à tel point constitutive de ces initiatives variées qu’on peut les considérer comme autant de manières locales d’acculturer le passé, dont l’analyse met en lumière les enjeux et la portée sur la scène nationale.
Dans la première partie de la thèse, j’introduis certains éléments de la codification sociale des relations interpersonnelles et de la fête en région égéenne. Cela me permet d’analyser les dynamiques culturelles et sociales engendrées par des performances musicales et dansées qui mettent en scène divers groupes et univers sociaux. En cheminant avec des folkloristes du village à la ville, j’observe les effets de la sportification sur la structuration des savoirs traditionnels et retrace le passage de la diversité ethnique à la turcisation de l’identité régionale. La seconde partie est consacrée à l’étude ethnographique de diverses activités commémoratives relatives aux bandits zeybek. J’observe comment se construit une tradition culturelle à partir d’une lecture particulière de l’histoire locale, comprenant aussi bien des visées politiques nationalistes, que la promotion d’une identité plus locale révélant une certaine épaisseur vernaculaire. Dans la dernière partie, je focalise mon attention sur les formes poétiques d’actualisation du bandit zeybek. J’insiste sur l’expérience esthétique du passé, médiatisée par des performances qui mettent en jeu les corps, les affects et l’identification des amateurs de zeybek à une figure vernaculaire de la masculinité.
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Membre du comité scientifique des journées d’études « La fabrique des politiques culturelles en Turquie et dans les espaces post-ottomans. Circulations, territoires, acteurs », 16-17 avril 2015, Université de Galatasaray, Istanbul
Depuis 2020 ATER au Département des Études Moyen-Orientales (192h) (DEMO)/Institut d’ethnologie méditerranéenne, Européenne et Comparative (UMR7307), Université Aix-Marseille, Aix-en-Provence
2016-2017, Chargée d’enseignement « Histoire de l’Ethnologie » L2 (48h), Université Paris Nanterre
2014-2015, Chargée d’enseignement et organisation du séminaire « Initiation à la recherche en Turquie contemporaine » L3-M1 (48h), Université de Galatasaray, Istanbul
2013-2014, « Séminaire d’Itinéraires et de Débats en Études Turques » M1-M2 (24h), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Paris
2012-2013, « Séminaire Interdisciplinaire d’Études Turques » M1-M2 (24h), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), Paris
2020-2021 Co-organisation du séminaire inter-laboratoire IREMAM-IDEMEC mensuel De quoi les Ottomans sont-ils le nom ? La fabrique des mémoires collectives « ottomanes », avec Randy de Guilhem, Juliette Dumas, Elsa Grugeon, MMSH, Université Aix-Marseille
2013-2016, Membre du projet ANR « Matières à transfaire. Espaces-temps d’une globalisation (post-)ottomane » (ANR-12-GLOB-0003, 2013-2016), coordonné par M. Aymes (CETOBAC, CNRS)
Dans l’arrière-pays égéen en Turquie, le répertoire musical et chorégraphique zeybek célèbre l’héroïsme de rebelles maquisards de la période ottomane, les efe. Dans cette contribution, je propose d’analyser un temps particulier de la performance dansée zeybek appelé « promenade ». Avant d’entrer pleinement dans la danse, le soliste effectue une marche improvisée de quelques dizaines de secondes pendant laquelle il s’accorde avec les musiciens et recherche l’état de danse. Pour qualifier ce moment transitionnel, les danseurs de zeybek portent l’emphase sur l’âme et le tempérament du danseur. Je propose de décrire les différentes composantes de ce processus de mise en état du danseur et d’éclairer ses significations. Nous étudierons comment la promenade contribue à jeter le trouble sur l’identité de la personne qui est dansée à travers la mise en œuvre d’une liminarité : entre la marche et la danse, entre la personne du danseur et le personnage du efe.
Le banditisme zeybek, attesté dans l’ouest de l’Anatolie depuis le XVIIIème siècle, inspire aujourd’hui des courts métrages amateurs en Turquie. Lydia Zeghmar (Anthropologue, Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative), nous propose ici un éclairage contemporain sur ces bandits qui se réfugiaient autrefois dans les montagnes pour échapper aux autorités ottomanes.
Le 10 et 11 février 2016, l’IRMC de Tunis accueillait les directeurs des écoles françaises (EFE) et des instituts de recherches français à l’étranger (UMIFRE) du pourtour méditerranéen. Ils se réunissaient pour la deuxième fois dans le but de développer un projet de coopération scientifique autour du thème … Continuer la lecture de Compte rendu : « Jeunes et jeunesses en Méditerranée » →