[English version below]
Sophie Houdart s’intéresse aux modes de construction et pratiques locales de la modernité au Japon ainsi qu’au thème de la création et de l’innovation. Après avoir réalisé, en thèse, une ethnographie dans un laboratoire de biologie au Japon (La cour des miracles, CNRS Editions, 2008), elle a suivi les longues étapes de conceptualisation et de figuration au moyen desquelles l’Exposition universelle qui a eu lieu au Japon en 2005 a vu le jour (L’universel à vue d’œil, Pétra, 2012). En suivant, elle a enquêté dans une agence d’architecture, toujours au Japon, et s'est intéressée aux pratiques architecturales et infographiques qui permettent aux architectes et designers de concevoir des mondes nouveaux (Kuma Kengo. Une monographie décalée, éd. Donner Lieu, 2009). Elle a co-édité le collectif Humains, non humains. Comment repeupler les sciences sociales (avec O. Thiery, La Découverte, 2011). Elle a ensuite collaboré avec un photographe et un artiste plasticien dans le cadre d’un projet d’enquête, conçu à l’initiative du Centre de culture scientifique, technique et industrielle F93, qui portait sur le grand collisionneur de particules du CERN, notamment auprès de ceux qui physiciens, ingénieurs, opérateurs, sont en charge de la maintenance de la machine (Les Incommensurables, Zones sensibles, 2015). A l’automne 2012, elle a entamé une nouvelle recherche sur la vie après la triple catastrophe qui a eu lieu dans le nord-est du Japon (un tsunami, un tremblement de terre, un accident nucléaire). Sur cette question, elle a contribué à la constitution d'un collectif hybride, Call It Anything, chapeauté par F93, regroupant plusieurs chercheurs en sciences sociales et des artistes et vidéastes pour des expérimentations croisées sur le thème du trouble, du territoire abîmé, de la radioactivité, de la recomposition des existants (http://www.f93.fr/fr/project/11/call-it-anything.html). Elle poursuit aujourd'hui la réflexion sur les territoires nucléarisés en l'élargissant au territoire de La Hague, dans le Cotentin, et à celui de Rokkasho-mura, dans la préfecture d’Aomori (Japon), à propos desquels elle fait l’hypothèse qu’ils ont été conçus comme des analogons.
Elle est associée au Centre Alexandre Koyré et a été chercheure en mobilité à l’Institut français de recherche sur le Japon à la Maison franco-japonaise (UMIFRE 19 MEAE-CNRS) en 2023-2024.
Sophie Houdart explores modes of construction and local practices of modernity in Japan, as well as the theme of creation and innovation. After completing, as part of her thesis, an ethnography in a Japanese biology laboratory (La Cour des Miracles, CNRS Editions, 2008), she followed the long steps of conceptualization and figuration by means of which the World Exposition of 2005 took place in Japan (L’Universel à vue d’oeil, Pétra, 2012). Following this, Houdart undertook a study in an architecture agency, still in Japan, focusing on the architectural and infographic practices that allow architects and designers to devise new worlds (Kumo Kengo. Une monographie décalée, ed. Donner Lieu, 2009). She co-edited the collective Humains, non-humains. Comment repeupler les sciences sociales (with O. Thiery, La Découverte, 2011). She then collaborated with a photographer and a visual artist as part of a study, created on the initiative of the Centre for Scientific, Technical, and Industrial Culture F93, concerning CERN’s large particle collider, in particular those in charge of mainting the machine, such as physicians, engineers, and operators (Les Incommensurables, Zones Sensibles, 2015). In autumn 2012, she began a new research project on life after the triple catastrophe that look place in the Northeast Japan (a tsunami, an earthquake, and a nuclear accident). On this question, she contributed to the creation of a hybrid collective, Call It Anything, headed by F93, regrouping several social science researchers, artists, and video makers for experiments intersecting with the themes of trouble, damaged territory, radioactivity, and the restoration of the existing. She is now continuing her reflection on nuclear territories by extending it to the La Hague area in the Cotentin region and the Rokkasho-mura area in Aomori prefecture (Japan), which she hypothesises were conceived as analogues.
She is associated with the Alexandre Koyré Centre and was a visiting researcher at the French Institute for Research on Japan at the Maison franco-japonaise (UMIFRE 19 MEAE-CNRS) in 2023-2024.
2023- : Membre du comité éditorial de la revue Ebisu
2023-2025 : Programme ANR Sciences avec et pour la société – Ambitions innovantes : « REX- Retours d’expériences », en partenariat avec Alexandre Schubnel (ENS, Laboratoire de Géophysique de Paris) et Marc Boissonnade (F93)
2023-2028 : Programme canadien CIFAR « Future Flourishing » (https://cifar.ca/research-programs/future-flourishing/). What does it mean to live (well) without human exceptionalism? The idea that humans are separate from their environment, other organisms, or the tools they use — human exceptionalism — has been critiqued from all sides. But what will it mean to flourish without exceptionalism in the future? The interdisciplinary network in the Future Flourishing program brings together philosophers, historians, curators, conservators, artists and anthropologists to imagine what it will take to create a better world for all of the entities that make up humans and live with us.
2012- : Collectif Call It Anything, chapeauté par F93, Centre de culture scientifique, technique et industriel de la Seine-Saint-Denis (https://www.f93.fr/fr/project/11/call-it-anything.html). Projet interdisciplinaire au long cours dédié à la vie après la catastrophe de Fukushima.
Sept anthropologues se réunissent pour parler ensemble de la notion de nostalgie. Chacune d’entre elles, à sa manière, se retrouve confrontée à ce sentiment profondément ambivalent à mesure qu’elle pressent ou assiste à la disparition de son « terrain », ce territoire d’étude au long cours propre à chaque anthropologue. Mais d’où cette nostalgie peut-elle bien venir ? Est-elle légitime ? Et si, parfois, les anthropologues avaient de bonnes raisons d’être nostalgiques ? Tels les canaris au fond de la mine, sentiraient-elles « venir le grisou » ? Pour tenter de répondre à ces questions, elles ont choisi de faire un pas de côté par rapport à leur pratique habituelle : en optant pour la fiction, en renouant avec l’écriture créative, en faisant appel à leurs souvenirs, leurs lectures, et en mettant à l’épreuve leur subjectivité.
À l’heure où la France, ses dirigeants, ses lobbys nucléaires sont en pleine opération de réhabilitation de l’atome et projettent de couvrir le territoire de nouvelles centrales comme ce fut le cas dans les années 1970, la réédition de La Hague, ma terre violentée montre qu’il était possible au tournant des années 1980 d’articuler discours féministe et antinucléaire. Un texte lyrique et incantatoire qui décrit ce que la construction de l’usine de retraitement de déchets nucléaires de La Hague fait aux paysages vécus et sensibles, à la terre des souvenirs de l’enfance, à cette presqu’île du Cotentin empoisonnée pour plusieurs centaines de millénaires. Un avant-propos en forme de correspondance à trois voix propose une réflexion sur ce que signifie vivre en territoire nucléarisé, tisse des liens entre La Hague et le Japon et débat de l’invisibilité de la question nucléaire.
Cet ouvrage a été réalisé en hommage à Laurence Caillet. La cryptographie peut être définie comme l'art de la communication secrète. Il s'agit le plus souvent, mais non exclusivement, d'une opération d’écriture, caractérisée par des procédés de dissimulation de natures diverses. Des textes sacrés aux philosophies de la représentation, des mathématiques à la linguistique, de la théorie de l’information à la théorie quantique ?: les manœuvres de cryptage et de décryptage peuvent être d’une très grande immédiateté et instantanéité ou bien au contraire d’une infinie complexité, et relèvent souvent de véritables pragmatiques interprétatives fondées sur une histoire personnelle partagée ou sur la logique. On met à l’épreuve la sensibilité à l’ambiguïté du signe, en jouant avec la frontière entre l’image (les motifs picturaux) et le texte (les signes graphiques). On instaure un double discours, on entraîne le spectateur dans un parcours qui l’amène à découvrir un contenu supposé connu par avance, à résoudre une énigme, à déchiffrer une écriture secrète, à en dévoiler le sens caché. Un tel suspense parle du désir, de la langue, de la parole, du langage. Les documents explorés ici vont du texte homérique et du déchiffrement du linéaire B au théorème de Gödel et aux pratiques contemporaines des hackers, en passant par les livres secrets des Druzes, les talismans de la Chine et les laques du Japon. On y examine dans chaque cas les jeux formels ou graphiques qui visent à assurer tout à la fois la dissimulation au plus grand nombre et la révélation à quelques élus, ainsi que le contexte social dans lequel ces jeux s’inscrivent.
Ce livre clôt un triptyque qui avait été initié par la Maison Archéologie et Ethnologie René-Ginouvès, dont la première partie était consacrée à la notion de transition historique tandis que la deuxième portait sur les refondations et les recommencements. Nous proposons de poursuivre la réflexion sur le temps, les soubresauts, les changements qui l’affectent et les prédictions des évènements. Comment, selon les sociétés, selon les périodes, perçoit-on, structure-t-on, manipule-t-on les temps à venir ? Nous partons de l’hypothèse que le futur autant que le passé habitent notre présent et que ce qui nous est contemporain est au moins autant lié à l’histoire dont on hérite qu’aux projets que l’on formule et aux états du monde que l’on anticipe. Toutefois, impossible de parler du futur sans prendre en considération le régime d’historicité ou la division du temps propre à chaque société. Étant admis qu’il n’y a pas de temps exogène, il faut considérer la façon dont ces trois états – ce qui est passé, ce qui est et ce qui adviendra – sont organisés d’une société à l’autre. En d’autres termes, un volume sur le futur est nécessairement un volume sur la composition du temps et implique de s’interroger sur la façon dont, dans chaque société et chaque présent, sont mises en relation les dimensions temporelles du passé et du futur. Nous abordons plusieurs aspects : celui de l’ordonnancement du temps chronologique et son traitement, celui des techniques de prévision du futur et de leur efficacité et enfin, la mise en récit des évènements passés ou à venir. Les contributions réunies dans ce volume illustrent d’innombrables opérations de combinaison et d’intégration du temps et recèlent de dispositifs narratifs, techniques et politiques qui les accompagnent.
Image d’ouverture Apprendre à voir un tremblement de terre © Sophie Houdart Jeudi 26 octobre 2017. Arrivés la veille au Japon. Nous sommes venus avec l’objectif, volontairement laissé lâche, d’approcher ce qui s’est passé en mars 2011 en remontant le long de la côte de l’Océan pacifique – tenter, plus précisément pour ce séjour-ci –, de recoudre les fils de cet événement si volontiers partitionné : d’un côté, un tremblement de terre et un tsunami qui ont laissé la côte dévastée sur près de c...
Dans cet article, je reviens sur les dédales d’une enquête menée, depuis 2012, dans la préfecture de Fukushima. Démarrée classiquement comme une enquête sur les programmes de mesure de la radioactivité dans l’air, les sols, les aliments au moyen desquels les habitants apprenaient à faire l’expérience de leurs conditions nouvelles d’existence après la triple catastrophe survenue le 11 mars 2011, elle fut déroutée par un certain nombre d’épisodes qui rendaient saillant un régime d’appréhension du réel perturbé, tant du point de vue des enquêtés que de celui de l’enquêtrice. Prenant acte de ces déroutes successives, je décris comment les remaniements des méthodes utilisées sur le terrain ont partie liée avec l’objet même dont il est question : la vie en territoire contaminé.
Peut-on analyser sur un même plan les dimensions matérielle et humaine de la mise hors du monde ? Le terme irrécupérable n’est-il pas en tant que tel investi d’une charge morale qui condamne irrémédiablement ce qu’il désigne, surtout lorsqu’il s’agit d’individus ? Quels problèmes épistémiques et éthiques apparaissent lorsque le même terme est utilisé pour désigner des choses comme des gens ? Cet entretien croisé entre Sophie Houdart et Delphine Corteel entend faire dialoguer les perspectives de terrain de deux chercheuses qui, l’une comme l’autre, placent au centre de leurs écrits le souci du détail ethnographique et qui consacrent une partie de leurs travaux à ces allers-retours signifiants entre humains et non-humains. Cet échange met en perspective des situations où des individus cherchent à faire face à la production continue de choses irréductibles et à faire avec elle en développant chaque jour de nouvelles techniques et de nouveaux dispositifs pour tenter soit de récupérer et de réhabiliter ce qu’on ne peut se résoudre à considérer comme perdu, soit de vivre au mieux avec l’irrécupérable dans un monde fini.
En décembre 1972, avec le lancement de la sonde Apollo 17, la Nasa mettait un terme à son programme d’exploration de la Lune. Lorsque cette même année et la suivante, elle envoya Voyager 1 puis Voyager 2 à destination de Jupiter, Uranus, Saturne et Neptune, l’astrophysicien Carl Sagan demanda de fixer sur les sondes une plaque aux dimensions réduites et très légère, qui a atteint la postérité sous le nom de Golden Record. Pour ce « message à destination de possibles civilisations extra-terrestres », Sagan et son équipe choisirent cent dix-huit photographies « de notre planète, de nous-mêmes et de notre civilisation », qu’accompagnaient encore « 90 minutes de la meilleure musique au monde, un essai audio sur l’évolution intitulé The Sounds of Earth, ainsi que des salutations dans une soixantaine de langages humains (et en langage baleine) ».Imaginons.Imaginons que l’occasion soit donnée à une anthropologue de rejouer ce geste. Que choisirions-nous d’envoyer dans l’espace ? Quel serait notre message ? Comment nous accorderions-nous sur son contenu ? Qu’est-ce qui, au regard de l’horizon qui est le nôtre aujourd’hui, mériterait d’être sélectionné, transmis ?
Dans la région de Fukushima, l’espace est, depuis la triple catastrophe de mars 2011, peuplé d’entités au mode de présence singulier : invisibles, intouchables, inaudibles, elles mettent au défi tout observateur attentif, requérant de lui qu’il déplace considérablement son appareil théorique et méthodologique. Cherchant à intensifier l’expérience de terrain mené depuis 2012, en l’articulant à une expérience collective plus récente ainsi qu’à des données empruntées à l’histoire des sciences (plus particulièrement celle du compteur Geiger), il est question, dans cet article, de restituer la texture propre à ce territoire contaminé en désenclavant les répertoires communément utilisés pour en rendre compte. Loin d’un catastrophisme événementiel, il s’agit de trouver le bon ton et le bon son pour se mettre au diapason de ce qui est toujours en train d’advenir.
Comment donne-t-on corps à une utopie ? La préparation de l’Exposition universelle qui s’est tenue au Japon, dans la banlieue de Nagoya, en 2005, est l’occasion de suivre le lent travail, à la fois conceptuel et matériel, au moyen duquel émerge une forme inédite de relations entre l’homme et la nature. Donnant la « redécouverte de la sagesse de la nature » comme nouveau métronome universel, les concepteurs de l’Expo 2005 et les architectes appelés à œuvrer au projet devaient entre autres sortir leur proposition de l’étau local dans lequel elle avait vu le jour, pour la porter à une autre échelle en la transformant en véritable alternative de développement pour les sociétés technicisées. C’est cet épineux parcours qui est suivi dans cet article, qui se concentre plus particulièrement sur les propositions architecturales destinées à faire de cette Expo 2005 la première Exposition universelle non moderne.
Cet article a pour objet les bases de données utilisées par les architectes pour rendre leurs projets et convaincre de leurs propositions. Il s’intéresse plus particulièrement aux catalogues d’êtres humains au moyen desquels les architectes peuplent leurs images. Objets d’une singulière industrie (désignée en anglais sous l’expression « People Texture » ou « People Marketing »), ces habitants miniatures d’espaces bâtis projetés sont insérés dans les images numériques afin, explicitement, de donner le sens de l’échelle et de conférer davantage de réalisme. Présences relativement récentes dans les représentations architecturales, ils sont aujourd’hui catalogués dans des bases de données d’images, aux côtés de non-humains en tous genres, éléments de décorum, voitures, cieux, arbres, etc., This paper aims at scrutinizing data bases used by architects for rendering their projects and for convincing of their proposals. It focuses on catalogs of human beings by the way of which architects populate their imageries. These catalogs are based on specific treatments that become recently the object of a whole industry, named "People Texture" or "People Marketing". Small beings inhabiting these catalogs are inserted in digital images in order, explicitly, to give them the sense of scale and more realism. Appearing progressively in the history of architectural representations since the beginning of the 20th century, they are among the tools used by architects, and catalogued as well, to animate their projections: decorum of all kinds, cars, skies, trees, and so on., Este artículo tiene como objeto las bases de datos utilizadas por los arquitectos para entregar sus proyectos y convencer de sus proposiciones. Se interesa más aún en los catálogos de seres humanos a través de los cuales los arquitectos pueblan sus imágenes. Objetos de una singular industria (denominada en inglés "People Texture" o "People Marketing"), estos habitantes miniaturas de espacios construidos proyectados son insertos en las imágenes digitales con el fin explícito de dar más realismo al diseño y proporcionar su escala. Estas presencias relativamente recientes en las representaciones arquitecturales, son hoy en día catalogadas en bases de datos de imágenes al lado de no-humanos de todo tipo, elementos de decoración, vehículos, cielos, árboles, etc.
The Large Hadron Collider in Switzerland has to be constantly monitored to detect possible effects of radiation. Sophie Houdart describes a machine designed to capture every potential sign of threa…
Ce livre clôt un triptyque qui avait été initié par la Maison Archéologie et Ethnologie René-Ginouvès, dont la première partie était consacrée à la notion de transition historique tandis que la deuxième portait sur les refondations et les recommencements. Nous proposons de poursuivre la réflexion sur le temps, les soubresauts, les changements qui l’affectent et les prédictions des évènements. Comment, selon les sociétés, selon les périodes, perçoit-on, structure-t-on, manipule-t-on les temps à venir ? Nous partons de l’hypothèse que le futur autant que le passé habitent notre présent et que ce qui nous est contemporain est au moins autant lié à l’histoire dont on hérite qu’aux projets que l’on formule et aux états du monde que l’on anticipe. Toutefois, impossible de parler du futur sans prendre en considération le régime d’historicité ou la division du temps propre à chaque société. Étant admis qu’il n’y a pas de temps exogène, il faut considérer la façon dont ces trois états – ce qui est passé, ce qui est et ce qui adviendra – sont organisés d’une société à l’autre. En d’autres termes, un volume sur le futur est nécessairement un volume sur la composition du temps et implique de s’interroger sur la façon dont, dans chaque société et chaque présent, sont mises en relation les dimensions temporelles du passé et du futur. Nous abordons plusieurs aspects : celui de l’ordonnancement du temps chronologique et son traitement, celui des techniques de prévision du futur et de leur efficacité et enfin, la mise en récit des évènements passés ou à venir. Les contributions réunies dans ce volume illustrent d’innombrables opérations de combinaison et d’intégration du temps et recèlent de dispositifs narratifs, techniques et politiques qui les accompagnent.
Compte rendu de « Virus », Terrain, n° 64, 2015, coordonné par Nicolas Auray et Frédéric Keck S’il fallait vraiment la rattacher à un champ de la discipline, l’« anthropologie des virus » dépendrait, au premier chef, de celui de la santé, du risque ou du numérique. Pour les lecteurs qui n’appartiendraient à aucune de ces catégories cependant, ce numéro consacré aux virus peut constituer une porte d’entrée inédit sur des questions transversales, en ce que les virus – et cela en constitue une définition minimale – appartiennent à une catégorie d’êtres qui ont pour propriété singulière d’« envahir » un organisme pour « se répliquer ». Autrement dit, et c’est le point de départ du numéro, le virus n’existe « que dans une relation », et doit être conçu « comme un opérateur relationnel » (Auray et Keck, p.4). C’est donc de relations d’une chose avec une autre, souvent incommensurables (un virus biologique avec un virus informatique, un corps humain avec un virus, un humain avec un furet, une institution savante avec un garage…), dont il est question dans ce numéro. L’ambition ne paraitrait pas si nouvelle si elle ne faisait l’objet d’un cadrage théorique et méthodologique forts. Tout d’abord, elle s’inscrit dans un champ d’analyse plus vaste qui fait problème du terme même de relation. À la lecture des articles, on pense par exemple aux travaux de Bruno Latour pour qui « il n’est plus du tout évident aujourd’hui qu’il existe des relations assez spécifiques pour être appelées "social