Comment les abîmes terrestres, les abysses sous-marins ou les exo-planètes et l’espace stimulent-ils notre curiosité et notre créativité à l’heure où se précise le scénario d’une Terre peut-être un jour invi-vable ? Qu’est-ce que les pérégrinations aux confi ns du monde nous apprennent de notre « nature terrestrielle », du lien qui nous unit à Gaïa, de notre plasticité et de nos capacités à faire monde ? Ces milieux appellent des techniques de confi nement, ils imposent des conditions de vie et d’existence particulières à ceux qui les explorent, les habitent ou les exploitent. La claustration en souterrains, l’encapsulation des stations spatiales, mais aussi l’arsenal d’autosuggestions telles que la méditation permettent de s’enfoncer toujours plus loin dans l’inconnu. Autant de techniques qui demandent de repenser le rapport entre sujets humains et milieux, entre intériorité et extériorité. Dans quelle mesure ces explorations en milieux-limites frayent-elles des passages féconds entre technophilie et technophobie ? Jusqu’où est-il techni-quement possible ou souhaitable de nous confi ner, de nous isoler de notre milieu ambiant, ou au contraire d’y plonger à corps perdu ?
Le 23 juin 2018, après une session d’entraînement, treize membres d’une équipe de football junior entrent dans « la grotte de la dame endormie » (Tham Luang Nang Non). En ce début de la saison des pluies, ils sont bientôt piégés par une montée soudaine des eaux. Pendant près de trois semaines, leur sauvetage tient en haleine le monde entier. La médiatisation de l’évènement permet à tout un chacun de prendre conscience de la richesse de ce réseau karstique en tant que milieu, à la fois matériel, orographique, humain et technique. Ce jour-là, comme le font de temps en temps les habitants de cette région montagnarde au nord de la Thaïlande, ces jeunes footballeurs et leur entraîneur se sont aventurés plusi...
In Northern Thailand, a game that builds upon an uncanny cooperation between human beings and rhinoceros beetles (xylotrupes Gideon) has developed at a high level of refinement and institutionalization. Beetle-fighting is even being widely presented as a marker of the local identity and a local ecological wisdom. In this paper, I will show how it is not so much the coleoptera that symbolize a harmonious connection built by human populations with their natural environment, but rather a question of what happens in the intimate relationship between human beings and insects. Following the way players build on the great alterity between them and the insects, this article will address how the technical and conceptual handling of the beetles shapes pragmatically an original cosmology. It will pay specific attention to the ways players try to connect with their coleopteran by projecting human traits on them and adopting their communication mode. Through these, we can examine how beetles force humans to reflect on their engagement in the world, up to the point where it brings this game onto the stage of political ecology.
Comment des humains et des coléoptères, qui se caractérisent par des capacités perceptives, cognitives et motrices si différentes, parviennent-ils à coordonner leurs actions ? C’est à cette question que l’article répond en se penchant sur le cas des combats de scarabées (kwaang) en Thaïlande, dont le succès populaire repose sur une tentative de coopération improbable. Pour ce faire, il s’attache à décrire les différentes manières dont les joueurs établissent et entretiennent le contact avec leurs insectes. En s’appuyant sur une théorie de la communication élargie aux animaux, il montre comment, malgré l’impossibilité pour les deux espèces de partager des images mentales, des représentations ou encore de se retrouver autour de cadres d’attention conjointe, ils parviennent à coopérer sur la base d’un champ vibratoire, véhicule de signaux dont nul ne peut être certain des effets, ni même qu’ils peuvent être interprétés.