Publication

Construction et contestation des hiérarchies dans les échanges cérémoniels aux Comores (île de Mohéli)
Présentation
Haddad Salim Djabir
Les échanges cérémoniels sont le principal vecteur de construction et de contestation des hiérarchies aux Comores. Ils constituent le cadre de reproduction des groupes de descendance et du système d’âge. Dans l’île de Mohéli, ces groupes sont réputés matrilinéaires et s’affirment comme mutuellement équivalents. Mais pour leurs échanges cérémoniels, ils forment deux moitiés nommés d’après le genre. Que signifie cette distinction si ces groupes suivent le même principe de reproduction et s’ils n’entretiennent pas de relations hiérarchiques ? Nous examinons les règles de constitution et de recrutement de ces groupes, la structure de leurs relations mutuelles et leur articulation aux classes d’âge, ainsi que les différences de pratiques entre les deux moitiés qu’ils forment. Nous émettons l’hypothèse que la structure binaire dans laquelle ils s’insèrent reflète les processus historiques et idéologiques d’intégration par mariage, dans les matrilignages locaux, de commerçants maritimes musulmans, membres de réseaux régionaux agnatiques. Cette intégration s’est effectuée diversement dans tout l’archipel. Le cas de Mohéli montre comment la présence de ces alliés prestigieux a pu transformer le système d’échange de l’intérieur, mais de manière limitée, tandis que dans les îles voisines, soit ils n’y ont joué aucun rôle, soit ils l’ont quasiment fait disparaître. Le système d’échange mohélien permet aux communautés autochtones de maintenir une distinction hiérarchique avec les allochtones, originaires des autres îles, qui ont instauré leurs échanges cérémoniels de leur côté. Les innovations ou les transgressions des règles des échanges mohéliens délimitent le champ des transformations et révèlent les tensions qui jouent comme leviers dans la dynamique des relations entre unités sociales, notamment celle, inhérente au système, entre action collective et action individuelle.