[English version below]
Adeline Herrou est ethnologue et sinologue. C’est par des recherches sur le monachisme taoïste qu’elle a abordé l’étude de la société chinoise d’aujourd’hui. Après son entrée au CNRS en 2002, elle poursuit ses investigations ethnographiques dans le centre de la Chine et s’intéresse plus particulièrement à ce que la vie « hors parenté » des moines donne à comprendre des systèmes de parenté et de parenté rituelle, ainsi qu’aux rapports complexes entre érudition et ascèse. Dans une approche comparatiste, elle propose de mettre en regard le quotidien des moines, ascètes et autres renonçants dans le monde, à travers la description d'une journée dans une vie, qui est aussi celle d'une vie dans une journée. Plus récemment, elle centre son intérêt sur la transmission entre les vieux maîtres et les nouvelles générations de spécialistes religieux en Chine, pour aborder la question des changements du paysage religieux après la longue période d'interdiction religieuse sous Mao, puis avec les récentes et rapides mutations économiques de la Chine.
Bibliographie complète
Adeline Herrou is an ethnologist and sinologist. She has approached the study of contemporary Chinese society through research on Daoist monasticism. After joining the CNRS in 2002, she undertook further ethnographic investigations in central China with a specific focus on the life of monks "beyond common kinship links" as a way to improve understanding on the kinship and ritual kinship systems. Additionally, she explored the very complex links between erudition and asceticism. From a comparative perspective, she initiated an examination of the daily life of monks, ascetics and other renunciants throughout the world, aiming to show the interest of the description of a day in a life, which means also a life in a day. More recently, she has focused her research on elder masters and younger generations of religious specialists in China today, in order to explore the question of the changes now occuring in the religious landscape after the long ban on all religions under Mao, and then with the recent rapid modernization of China.
Vice-Présidente de la Société d'ethnologie
Membre du comité directeur d'organisation du Colloque international des études taoïstes (une édition par an, alternativement en Asie, en Amérique et en Europe) — The International Conference on Daoist Studies
Membre du comité directeur du GIS Asie
Membre du jury du prix de thèse de la MAE
Secrétaire du jury de la bourse Eugène Fleischmann (2002-2006)
Membre du comité éditorial de la Société d'ethnologie
Membre du comité éditorial du Journal of Daoist Studies
Membre du comité éditorial des Presses de la MAE
Depuis 2012 Cours le "Temple en Asie", au Département d'Anthropologie de l'Université Paris Nanterre (Licence 3, 2h hebdomadaire au 2ème semestre, avec Nicolas Prévôt)
En 2023-2024 Cours "Ethnographie chinoise 2" (avec J.Lagerwey et I.Thireau) à l’Institut Ricci et au Centre Sèvres -Facultés jésuites de Paris (7 séances de 2h au 2e semestre)
De 2015 à 2018 Cours "La religion taoïste aujourd'hui en Chine. Approche ethnologique", Institut Ricci (cycle de 3 ans)
De 2002 à 2017: Cours "Savoirs et Sociétés", Master 2 en ethnologie, ethnomusicologie et préhistoire, dans la formation doctorale ‘Milieux, Sociétés du passé et du présent’ de l’Université Paris Nanterre (2 heures hebdomadaires au 1er semestre)
2020- Coordinatrice du programme La communication avec les dieux en Chine (acronyme Ganying), au sein du Labex "Les passés dans le présent". Lien
2014- Responsable de l’Atelier Chine du LESC, avec Gladys Chicharro. Lien
2013- Coordinatrice du programme Vieux maîtres et nouvelles générations de spécialistes religieux aujourd’hui en Chine. Ethnographie du quotidien, anthropologie du changement social (acronyme Shifu), au LESC, qui a bénéficié du soutien de l’ANR entre janv. 2013 et juil. 2016 : équipe de 16 chercheurs en France, Angleterre, Etats-Unis et Chine. Lien
2008-2012 Responsable de « l’Atelier Figures de moines et autres ascète ou religieux » du LESC, avec Anna Poujeau.
2008-2011 Coordinatrice du programme « Portraits de moines, Une journée dans une vie ; une vie dans une journée » (financement LESC)
Sept anthropologues se réunissent pour parler ensemble de la notion de nostalgie. Chacune d’entre elles, à sa manière, se retrouve confrontée à ce sentiment profondément ambivalent à mesure qu’elle pressent ou assiste à la disparition de son « terrain », ce territoire d’étude au long cours propre à chaque anthropologue. Mais d’où cette nostalgie peut-elle bien venir ? Est-elle légitime ? Et si, parfois, les anthropologues avaient de bonnes raisons d’être nostalgiques ? Tels les canaris au fond de la mine, sentiraient-elles « venir le grisou » ? Pour tenter de répondre à ces questions, elles ont choisi de faire un pas de côté par rapport à leur pratique habituelle : en optant pour la fiction, en renouant avec l’écriture créative, en faisant appel à leurs souvenirs, leurs lectures, et en mettant à l’épreuve leur subjectivité.
« This might be the most mind-blowing fact I learned this year : China used more cement in the last three years than the U.S. used in the entire 20th century » (Bill Gates sur Twitter, 12 décembre 2014) En 2010, le plan de la ville de Nankin indiquait une station de métro alors même qu’elle n’existait pas encore. Les cartographes avaient, semble-t-il, préféré anticiper le changement à venir plutôt que de risquer de voir leurs cartes devenir rapidement obsolètes. Bien entendu, les villes se tr...
Il est des vies entièrement consacrées à l’activité religieuse, des figures bien connues et souvent emblématiques des différentes religions institutionnalisées – le prêtre, le pasteur, l’imam, le rabbin, le moine, le yogi, le chamane, le fakir, le lama, le renonçant, l’ermite, etc. Il est aussi des ritualistes, des devins, des exorcistes, des marabouts, des voyants, des barreurs de feu, etc. qui s’adonnent à leur activité, tout en ayant par ailleurs un autre métier, plus classique peut-être : ingénieur, charpentier, peintre, électricien, agriculteur. Il est enfin des personnes qui empruntent aux spécialistes certaines de leurs attributions, à leurs heures perdues, sans nécessairement se réclamer comme tels : des laïcs qui les remplacent (en partie) en cas d’absence (ou de manque) de religieux en titre, des musiciens qui, parfois contre toute apparence, jouent le rôle de spécialistes rituels. Autrement dit, il est un certain nombre de rôles tenus pour « religieux » ou aux abords du religieux qui nécessitent (ou pour le moins n’excluent pas) un cumul avec de toutes autres activités. Les raisons de la pluriactivité peuvent être multiples : quand il faut « travailler » par ailleurs, quand les rituels ou activités religieuses ne se font que de façon ponctuelle, quand il est difficile (ou contraire à une certaine éthique) de se faire payer pour de tels « services » – ou que la rémunération est considérée comme susceptible de causer la perte du don ou encore d’entacher l’engagement dévotionnel – et qu’il faut gagner sa vie par ailleurs, ou encore quand en contexte de crise politique ou de migration, certaines activités ne sont plus possibles et leurs responsables obligés d’embrasser d’autres métiers. Des officiants « à mi-temps » en quelque sorte. Ce sont ces spécialistes qui retiennent notre attention dans ce numéro de Terrains/Théories.
« "Le féminin et le religieux" est l’expression employée par Brigitte Baptandier en référence au fil rouge qui parcourt ses recherches ethnologiques sur la Chine depuis 1979 et traverse ses questionnements sur les traditions liturgiques et chamaniques du taoïsme. Le titre de cet ouvrage que nous lui dédions était donc tout trouvé, et c’est ce même fil rouge que les huit auteurs qui contribuent à lui rendre hommage ont suivi afin d’explorer plus avant ce que le féminin et le religieux tenus ensemble peuvent nous dire non seulement de la Chine d’hier et d’aujourd’hui, mais également, dans une perspective comparatiste, des traditions européennes et indiennes. »
Cet ouvrage a été réalisé en hommage à Laurence Caillet. La cryptographie peut être définie comme l'art de la communication secrète. Il s'agit le plus souvent, mais non exclusivement, d'une opération d’écriture, caractérisée par des procédés de dissimulation de natures diverses. Des textes sacrés aux philosophies de la représentation, des mathématiques à la linguistique, de la théorie de l’information à la théorie quantique ?: les manœuvres de cryptage et de décryptage peuvent être d’une très grande immédiateté et instantanéité ou bien au contraire d’une infinie complexité, et relèvent souvent de véritables pragmatiques interprétatives fondées sur une histoire personnelle partagée ou sur la logique. On met à l’épreuve la sensibilité à l’ambiguïté du signe, en jouant avec la frontière entre l’image (les motifs picturaux) et le texte (les signes graphiques). On instaure un double discours, on entraîne le spectateur dans un parcours qui l’amène à découvrir un contenu supposé connu par avance, à résoudre une énigme, à déchiffrer une écriture secrète, à en dévoiler le sens caché. Un tel suspense parle du désir, de la langue, de la parole, du langage. Les documents explorés ici vont du texte homérique et du déchiffrement du linéaire B au théorème de Gödel et aux pratiques contemporaines des hackers, en passant par les livres secrets des Druzes, les talismans de la Chine et les laques du Japon. On y examine dans chaque cas les jeux formels ou graphiques qui visent à assurer tout à la fois la dissimulation au plus grand nombre et la révélation à quelques élus, ainsi que le contexte social dans lequel ces jeux s’inscrivent.
Des ethnologues nous emmènent à la rencontre de moines et ascètes rattachés à différentes traditions religieuses et culturelles : des chrétiens, des bouddhistes, un lama tibétain, un yogi hindou, un jain, un fakir, un taoïste. À travers la description de leurs pratiques et de leurs préoccupations, ils explorent la condition de ces hommes et ces femmes qui ont en commun de mener des expériences extrêmes, en vue d’atteindre les sphères les plus élevées de la connaissance et du sacré. Marcher dans les pas de ces ascètes habituellement peu accessibles, voire secrets, nous permet d'accéder à une part de leur intimité et de leur histoire personnelle. En les suivant dans leurs activités journalières, cet ouvrage donne à comprendre les efforts faits pour percer les mystères de l'existence et devenir des êtres bons, tout en composant avec la trivialité du quotidien. Par là même, il nous interroge sur ce qu'est une journée dans nos existences : une juxtaposition de situations qui s'enchaînent souvent sans transition et qui procurent parfois ce sentiment d'avoir plusieurs vies, tout en restant une même personne. De fait, le tableau d'une journée dans une vie est aussi celui d'une vie dans une journée.
De nombreux monastères ont abrité ou abritent une activité intellectuelle intense : l’abbaye de Cluny, au XIe siècle, nourrissait une bibliothèque de près de six cents manuscrits ; le monastère tibétain Shéchen, aujourd’hui au Népal, est le conservatoire en exil de manuels rituels et autres transcriptions des enseignements de grands maîtres. Si les religieux qui sont les garants de ces « savoirs monastiques » sont pour certains de véritables savants, philologues et théologiens armés de compétences scripturaires et exégétiques remarquables, ils sont aussi supposés posséder (à la différence des laïcs) un petit quelque chose en plus de l’ordre de la vertu, de la pureté, de la piété, de la dévotion (bhakti), de la grâce spirituelle (baraka) ou de l’accumulation de mérites (karma) qui leur permettrait d’accéder à une autre compréhension des différents corpus qu’ils ont en garde. Pour eux, la recherche du savoir n’est pas une fin en soi ; elle n’est que partie prenante d’une quête plus large et plus essentielle. Mobilisée à des fins de prière, de découverte mystique, de performance rituelle ou d’ascèse, elle dessinerait les contours d’une géométrie savante propre aux monastères.
Peut-on rompre totalement avec la famille, institution au cœur de l’ordre social ? On a bien souvent en Occident une vision des moines et des moniales marquée par l’idéal chrétien de la clôture et d’une sortie radicale du monde. Pourtant la séparation entre les laïcs et les moines prend des contours très différents de par le monde et les figures de renonçants sont très variées d’une religion à l’autre. La plupart ont en commun le partage d’une forme de vie extrême leur demandant de quitter le monde au sens religieux du terme pour mieux s’y consacrer. Quel modèle de sociabilité le monachisme propose-t-il alors ? Cet ouvrage est la première étude d’ensemble de la vie monastique dans des traditions religieuses et sociales contrastées : moines et moniales en Europe, au Proche-Orient, en Asie, chrétiens d’Occident ou d’Orient, hindous ou Jain, bouddhistes du Theravada, du Mahayana ou du Tantrisme, taoïstes et même Esséniens ou musulmans soufis ou druzes. Ethnologues et historiens réunis ici révèlent que ces religieux pourraient incarner une forme de contestation de la parenté tout en partageant une manière singulière de la réinventer presque à l’infini, voire de créer une sorte de « parenté monastique ». Une utopie ?
« This might be the most mind-blowing fact I learned this year : China used more cement in the last three years than the U.S. used in the entire 20th century » (Bill Gates sur Twitter, 12 décembre 2014) En 2010, le plan de la ville de Nankin indiquait une station de métro alors même qu’elle n’existait pas encore. Les cartographes avaient, semble-t-il, préféré anticiper le changement à venir plutôt que de risquer de voir leurs cartes devenir rapidement obsolètes. Bien entendu, les villes se tr...
[De l’ambiance ‘chaleureuse et bruyante’ à la quiétude : l’usage modéré du langage et le silence chez les moines taoïstes aujourd’hui en Chine] A partir d’une enquête ethnographique menée sur la vie dans différents temples taoïstes de la province du Shaanxi et de Pékin, cet article questionne la façon dont ces monastères peuvent être dans le même temps des lieux bruyants et des lieux où l’on recherche la quiétude. Ils sont souvent très fréquentés et parfois cacophoniques, en particulier les jours de réunion communautaire. L’ambiance se doit d’y être « chaleureuse et bruyante » ; elle témoigne de la vitalité du temple. Certaines séquences de rituels requièrent même une musique tapageuse et l’usage de pétards. Mais les temples taoïstes n’en sont pas moins des lieux de tranquillité. Certains temps de la vie monastique requièrent de s’abstenir de parler avec les autres, notamment pendant les rituels. La transmission de maître à disciple se fait idéalement sans paroles. Surtout, le but même de la quête du Dao consiste à gagner un état de parfaite « quiétude » Les moines taoïstes font parfois vœux de silence, littéralement ils pratiquent l’« arrêt de la parole » (zhiyu 止语) véritable mutisme qui n’est généralement pratiqué que de façon temporaire, telle une étape du parcours ascétique. Investigating the life in different Daoist temples in Shaanxi and Peking today from a social anthropological standpoint, this article questions the way these monasteries can be both noisy and seeking quietude places. They are often busy and cacophonous, especially on festival days. The "warm and noisy" ambiance shows the vitality of the temple. But Daoist monasteries are also peaceful. Rituals request to stop talking to each other. Teachings ideally not involve words but occur through imitation. Moreover, the Daoist quest aims to reach a state of inner stillness. An anthropology of silence leads to study how Daoist monks sparingly speak to save their vital energy and how some of them avoid speaking at all, as a temporary stage in the self-cultivation process.
Cet article traite de la manière dont un maître taoïste de Pékin a perpétué une ancienne tradition rituelle d’arts martiaux malgré l’interdiction de toutes les pratiques religieuses sous la Révolution culturelle. Son histoire de vie donne à comprendre les « voies d’échanges » entre les maîtres mariés et les moines pour faire face à l’adversité, mais aussi entre les mondes religieux et laïque pour traverser les vicissitudes de l’histoire, ici en se jouant des composantes rituelles, festives ou simplement sportives des arts martiaux.
This article seeks to give an ethnographical description of the everyday life of an ordinary Daoist monk in China today. As it follows Yang Zhixiang from early morning until night, it deals with his current main occupations—in this case, work on the glyphomancical dissection of the Dao 道 character, fate calculation for young fiancés, preparation for a healing ritual, the ascetic practice of self-perfecting through refinement, etc. —as well as more basic scenes such as meals, gestures and postures, various domestic tasks, and the reconstruction of the temple. It also relates fragments of his own past life and implicitly outlines the path that led him to the monastery and the vocation that made him become a monk. Finally, it aims to convey the diversity of the monks’ activities and then, by considering them serially as a whole, to arrive at an understanding of the specific texture of Daoist monastic life and its reason for being.
L’observation d’une communauté monastique taoïste à Hanzhong, en Chine centrale, conduit à un double constat. Premièrement, en fait de fraternité, c’est tout un système de parenté que les moines et les moniales ont institué au sein du monastère. Ils sont des frères mais aussi des pères, des oncles, etc. Outre le fait de requalifier leurs liens au moyen d’appellations empruntées à la terminologie utilisée au sein des familles chinoises, ils calquent leur mode de vie communautaire sur l’organisation lignagère. Deuxièmement, ils se donnent à voir comme un monde d’hommes. Les femmes se voient nommées au masculin et s’adressent les unes aux autres via des expressions oxymoriques telle : « Elle, c’est mon frère ». Au-delà des simples désignations, ces moines et ces moniales assument une différenciation des sexes hors du commun et qui se pose, d’une certaine manière, en réaction à celle qui existe dans la société laïque. Eux disent appliquer au quotidien les préceptes taoïstes. D’un point de vue ethnologique, les deux particularités de leur vie en groupe apparaissent comme étroitement liées, forgeant un cas de parenté rituelle singulier, et une façon de se jouer de la parenté et des catégories de sexe presque à l’infini.
Le terme chinois utilisé pour désigner l’entrée au monastère signifiant littéralement "sortir de sa famille", chujia 出家, il s’agit dans cet article de prendre à la lettre l’expression vernaculaire et d’interroger la possibilité d’une vie hors parenté, en Chine et ailleurs. Si tel est le cas, qu’est-ce qui vaut de quitter l’institution familiale et quelle organisation est à même de la supplanter ? Dans le cas où il n’en est rien, existerait-il une extension monastique de la parenté, voire une parenté monastique ? Dans le contexte taoïste, c’est une forme de parenté rituelle singulière qui cimente les communautés monastiques de l’ordre Quanzhen, et leur permet de se consacrer à la quête du Dao. On y emprunte à la parenté sa terminologie et certains comportements révérenciels, pour aussitôt les détourner : la vie entre soi ne suppose pas de déperdition d’énergie comme la vie familiale ; la piété filiale est transposée dans la relation de maître à disciple, le lien de séniorité prend davantage appui sur l’ordre d’entrée en religion que sur l’âge réel, et les véritables parents sont les ancêtres dans les généalogies taoïstes, les divinités et, plus encore, les souffles primordiaux. Moines et moniales défient ainsi la société chinoise par leur volonté de changer le cours de leur existence et par leur façon de décliner la parenté presque à l’infini.
Dans cet ouvrage, Stephen Jones s'intéresse aux spécialistes rituels de la Chine du Nord, plus précisément dans trois régions : (1) au centre et au nord du Shanxi, (2) au sud du Shanxi, sud du Hebei, Shaanxi et Gansu et (3) dans la plaine centrale du Hebei. Et c'est ce découpage régional qui guidera l'organisation de l'ouvrage en trois parties, précédées d'un long chapitre introductif et suivi d'un plus court chapitre de conclusion, d'importantes annexes et d'un index conséquent et très préci...
Comment les « renonçants » en Chine ou en Inde pratiquent-ils l’isolement ? Est-ce véritablement de la privation ? Et surtout quel bénéfice de l’ascèse justifie les renoncements qu’elle suppose ?
Alors que la parole sur l’interdiction des religions durant la Révolution culturelle se libère progressivement, le film Maître Feng capture l’un des derniers témoins vivants de cette période.
L’étude ethnologique centrée sur un moine taoïste qui reconstruit un temple isolé dans les moyennes montagnes de la région de Ziyang, au Shaanxi, en Chine centrale, donne à comprendre ce que signifie dans ce contexte le choix d’une vie simple. Elle montre l’importance du bon fengshui (géomancie), de son lien étroit avec la nature dans sa forme ostensible et dans sa dimension mystérieuse et impensée, mais aussi d’une attitude relevant du wuwei, non-agir ou non intervention.
Poursuivant notre série de vignettes ethnographiques sur les rencontres avec des fantômes, c'est aujourd'hui Maître Feng, moine taoïste, qui évoque avec l'anthropologue Adeline Herrou le jour où il s'est retrouvé face à face avec un "gui". Une rencontre qui confirme la clairvoyance du moine, dans le contexte de la Révolution culturelle.
This ethnographical film paints the portrait of a Taoist monk from Ziyang in Shaanxi province, central China. He became a monk « in the old China ». Then he was forced to return to a lay life during the Cultural Revolution (1966-1976) ; he was sent to work in the fields for fifteenth years. At the beginning of the 1980s, he was able to resume his life as a monk. Soon considered himself as an eminent master, he chose to decline some prestigious positions offers in order to devote himself to the rebuilding of temples destroyed during the long period of religious suppression. The film begins when he has finished to restore his third temple and, without benefiting from the convenience and facilities that he has installed there, he starts elsewhere with another temple, and began the whole process again. He speaks about fengshui (the auspicious aspect of a place) « which changes with time » and lays marble on the floor of the main worship hall of this monastery lost in the very remote mountains of the Ankang region, because "today we are living in good times". In an unexpected way, the temple becomes « a driving force for the local economy » : its presence allow a local touristic development project to be launched for the area. Very quickly, a new village is built from scratch in front of the temple. Many villagers come to consult Master Feng as people from far away for all sort of requests, and notably for the interpretation of oracles through divination blocks (gua) which are very popular in this area. More simply, he helps them to adapt to the rapid changes of Chinese society. He perpetuates some old traditions as the one of burning incense night and day in an uninterrupted process "so as not to break the connection with the gods". And he seeks to adapt religious practices in order them to address today’s major concerns. All these activities do not prevent him to have time to practice self-cultivation because "there are many ways to meditate", to read and also to be "a free man" who try to lead "a life without pressure".
A quoi ressemblent les fantômes ? Tenter de les décrire, nous dit Maître Feng, c’est aussi difficile que de mettre une image sur ce que sont nos âmes, et pourtant, les fantômes comme les âmes « sont bien réels ». En Chine, voir un fantôme ne serait-ce qu’une fois dans sa vie révèle une acuité sensorielle hors du commun. Chez les moines taoïstes, la rencontre avec un gui 鬼 , une « âme errante », est le signe annonciateur d’une certaine clairvoyance. Aussi revient-elle par exemple souvent dans les récits de vocations qui conduisent au monastère. A Ziyang — au sud du Shaanxi, en Chine centrale — Maître Feng s’en souvient de façon précise. Et le raconte à l’anthropologue Adeline Herrou (CNRS / LESC) lors d’un entretien filmé.
Ce film ethnographique est le portrait d’un moine taoïste, de la région de Ziyang au Shaanxi, en Chine centrale. Celui-ci, entré en religion « dans la Chine d’autrefois », est forcé de retourner à la vie laïque lors de la Révolution culturelle (1966-1976) et de travailler dans les champs pendant quinze ans. Au début des années 1980, il peut reprendre sa vie de moine. Reconnu comme un maître éminent jusqu’à Pékin, il préfère refuser les propositions de postes prestigieux pour se consacrer à la reconstruction de temples détruits pendant la longue période de prohibition religieuse. Le film commence lorsqu'il a terminé de restaurer son troisième temple et, sans profiter du confort qu’il a su y installer, il recommence ailleurs, en repartant à zéro, à rebâtir un autre temple. Il parle du fengshui (le caractère auspicieux d’un lieu) « qui change avec le temps » et fait poser un sol en marbre dans la salle de culte principale de ce monastère perdu dans les montagnes les plus reculées de la région car « on vit dans une belle époque aujourd’hui ». Ce temple devient à une vitesse surprenante un puissant moteur dans l’économie locale : sa présence permet le lancement d’un projet de développement touristique. Très vite, c’est un nouveau village qui se construit ex-nihilo face au temple. Les habitants ainsi que des visiteurs —venus parfois de très loin— viennent consulter maître Feng avec toutes sortes de requêtes, lui demandant notamment la lecture d’oracles et l’interprétation de blocs divinatoires (gua) très populaires dans cette région. Par là-même, il les aide à appréhender les mutations rapides de la société chinoise. Il perpétue d’anciennes traditions dont celle qui consiste à brûler de l’encens jour et nuit, « pour ne pas rompre le lien avec les dieux ». Il s’emploie également à adapter les pratiques religieuses pour qu’elles répondent au plus près aux préoccupations d’aujourd’hui. Toutes ces activités ne l’empêchent pas de trouver du temps pour sa réalisation spirituelle car « il faut savoir méditer dans toutes situations », lire et plus simplement rester « un homme libre » qui cherche à mener « une vie sans pression ».