En Papouasie-Nouvelle-Guinée, on appelle aujourd'hui en pidgin « opérations », « investigations », ou « travail de la découverte », les procès de sorcières. Ces euphémismes désignent la torture utilisée pour punir et interroger les suspectes, ainsi que des mises à mort et des bannissements légitimés par ces aveux forcés. J’analyse les dynamiques rituelles de l'Opération en empruntant mes outils théoriques à l'anthropologie de la religion ainsi qu'aux approches critiques de la torture, afin d'explorer le travail spécifique – très politique – qu'elle accomplit en termes de relation et de représentation. Je souhaite préciser la nature de cette violence ritualisée ainsi que ses effets dans le cadre plus large d'un questionnement sur la nouveauté de l'Opération et sur les raisons de son apparition pendant la décolonisation des années 1970. Bien que le simulacre de justice qu'elle met en œuvre soit clairement lié à l'imposition d'un régime juridique colonial, je ne souhaite pas pour autant minimiser la dimension despotique et chauvine de la société Simbu, patriarcale et guerrière. J'essaierai de montrer que la nouveauté de l'opération n'est pas l'utilisation du corps des femmes pour médiatiser des alliances volatiles entre hommes – c'était là un trait déjà présent dans la chasse aux sorcières à l'époque précoloniale – mais qu'elle réside dans le recours à la torture pour s'approprier les voix des femmes afin de valider le pouvoir de vie et de mort détenu par la société des hommes.
« Anthropologie à Nanterre » est un séminaire d’anthropologie généraliste, organisé par le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative et le Département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre. Le séminaire a lieu un mardi sur deux de 14h à 16h à la MSH Mondes, bâtiment René-Ginouvès, salle 308F (3e étage).
Le programme : semestre 2
Les séances sont ouvertes à toutes et tous.
Organisation : Estelle Amy de la Bretèque, Emmanuel de Vienne (semestre 1) ; Pascale Dollfus, Anne Yvonne Guillou (semestre 2)