Une dizaine d’années après avoir effectué une enquête ethnographique sur les milieux gays antillais de Paris (2008-2009), Ary Gordien publie un article scientifique réexaminant rétrospectivement les données de terrain qu’il avait alors recueillies, en mobilisant une grille de lecture intersectionnelle. S’en suit la parution, en 2020, d’un court article de dissémination du savoir portant sur l’expérience gay en Guadeloupe. Après cela, différents militant·e·s se définissant comme appartenant à des minorités sexuelles racisées l’interpellent et le sollicitent en sa supposée qualité d’expert de ces questions. C’est le point de départ de nouvelles recherches à Paris et à Marseille. Cet appel (ou ce rappel) du terrain semble à première vue révéler la cohérence d’un parcours ou la justesse de certaines intuitions ethnographiques et de certaines analyses. La situation d’enquête à laquelle cela conduit remet cependant en question cette cohérence, ainsi que la finalité de cette nouvelle recherche, dont l’objet n’a pas été complètement choisi et spécifié en amont. Se pose une série de problèmes épistémologiques et de méthode, à la fois empirique et théorique. Il existe en effet un certain nombre de décalages à identifier et à expliciter. Tout d’abord, du fait de la distance temporelle il s’est produit une évolution inéluctable des débats à la fois scientifiques et militants, ce qui influe sur le point de vue des enquêtés. En second lieu, les attentes des acteurs et actrices qui sollicitent ou interpellent l’anthropologue (mobilisation, plaidoyer ou quête de sens sur sa trajectoire personnelle) peuvent être en décalage avec le dispositif de recherche qui est le sien. Tout cela vient interroger le fondement voire le bien-fondé de sa recherche. En partant de ses enquêtes en cours, Ary Gordien va aborder les convergences des considérations militantes et académiques, pour se concentrer, dans un second temps, sur les éventuelles tensions ressenties entre les enjeux de l’activisme ou de l’identification collective, d’une part, et du travail d’analyse critique, d’autre part.
« Anthropologie à Nanterre » est un séminaire d’anthropologie généraliste, organisé par le Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative et le Département d’anthropologie de l’université Paris Nanterre. Le séminaire a lieu un mardi sur deux de 14h à 16h à la MSH Mondes, bâtiment René-Ginouvès, salle 308F (3e étage).
Les séances sont ouvertes à toutes et tous.