Le Sultanat d'Oman, qui borde la partie méridionale du golfe arabo-persique, a souvent été décrit comme un carrefour de populations. Si cette remarque est en partie fondée, c'est surtout dans la région de la capitale (Mascate) qu'une importante diversité culturelle s'est établi depuis longtemps. Le groupe minoritaire le plus présent dans cette partie du pays est incontestablement celui des Baloutches. Ces derniers sont originaires d'une vaste région appelée Baloutchistan, située de part et d'autre de la frontière entre l'Iran et du Pakistan. Pour diverses raisons historiques, ils sont également très implantés dans les pays du golfe et en particulier à Oman.
À Mascate, certains Baloutches pratiquent le damâl, un rituel de guérison qui réunit patients, officiants, musiciens et invités divers pour le temps d'une nuit. L'objectif est de guérir une personne en proie à l'action nocive d'un esprit. En convoquant cet esprit au cours du rituel, il sera possible de répondre à ses demandes afin de soigner la personne affectée. Nous aborderons cependant le damâl plutôt dans sa dimension sociale, à travers la présentation d'une famille particulière qui réunit praticiens et musiciens impliqués dans ces rituels.
Cette communication repose sur un travail d'enquêtes réalisées depuis 2017 auprès de ces personnes. Notre attention sera principalement portée sur les jeunes musiciens dont la relation avec la pratique rituelle semble avoir évolué de manière défavorable au fil du temps. En examinant la façon dont ces musiciens abordent leur participation aux rituels tout en cherchant à développer une carrière musicale en dehors de ce contexte, notre objectif plus large serait de saisir comment la pratique d'un rituel de guérison s'intègre à la vie urbaine. Cette étude intervient à un moment crucial, juste avant la mise en œuvre d'un programme de développement d'envergure à l'échelle du pays, qui vise essentiellement la valorisation d'une appartenance nationale en matière de pratique culturelle. Nous pouvons alors nous demander quel place à l'avenir sera réservée à des pratiques rituelles telles que le damâl au Sultanat d'Oman.
* Romain Mascagni est doctorant en ethnomusicologie à l'Inalco sous la direction d'Agnes Korn et Jérôme Cler. C'est d'abord en tant que musicien qu'il a souhaité explorer les relations que les humains composent ensemble et avec le(ur) monde. De la prise de conscience de cette pluralité que renferme la musique est née une curiosité, nourrie par des études en ethnomusicologie et anthropologie de la danse à l'Université de Nanterre. Ses recherches l'amènent auprès de populations baloutches, où il tente de mêler les approches anthropologiques et ethnographiques à l'histoire récente du Golfe dans une perspective de questionnement de la place des cultures dominantes. À travers l'étude du rituel du damâl, il cherche à comprendre plus particulièrement comment une pratique musicale de la marge s'insère dans la société actuelle omanaise.
Le laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (Lesc–UMR 7186, CNRS/Université Paris Nanterre), propose un dispositif de soutien aux candidat.es au concours 2025 au poste de chargé.es de recherche au CNRS se reconnaissant dans les perspectives scientifiques du laboratoire et souhaitant leur rattachement au Lesc en cas de recrutement. Plus d'informations ici