Avec Maho Sébiane
À partir de la seconde moitié du XXe siècle, l’émergence de centres urbains et le développement d’une économie de marché ont radicalement bouleversé les sociétés du Golfe. La pratique et la consommation de la musique traditionnellement fondées sur des valeurs sociales se sont progressivement monétarisées et autonomisées. Elles s’inscrivent aujourd’hui pleinement dans une économie de l’offre. Ce processus de long terme associé à des stratégies patrimoniales d’envergure a abouti à une dégradation des réseaux de musiciens traditionnels et à leur paupérisation. L’accélération de ce phénomène depuis les années 2000, présageait une reconfiguration du paysage musical traditionnel et de son économie au profit des grands centres urbains et à l’émergence de nouvelles formes d’expression adaptées à un marché régional.
Ainsi entre 2020 et 2021, cet infléchissement s’est précipité dans la région nord du Sultanat d’Oman. En 2020, la pandémie du COVID-19 frappe de plein fouet les plus âgés, dont les musiciens qui représentaient la continuité des pratiques musico-rituelles héritées du passé. L’interdiction stricte des réunions privées, durant cette période, a de son côté réduit à néant toutes les activités sociales fondées sur la pratique musicale collective affectant durablement les liens sociaux et l’organisation des pratiques rituelles. En 2021, lorsque le plus important cyclone de la décennie (Shaheen) s’abat sur cette région, les destructions matérielles sont majeures. En plus de l’habitat et des infrastructures, les pertes incluent
de nombreux instruments de musique anciens qui symbolisaient physiquement la continuité de la « tradition ». Cette double séquence est perçue par la population locale comme le point d’orgue de l’affaiblissement de la légitimité et de la prééminence d’une certaine arrière-garde musicale face à la jeune génération des grands centres urbains.
À partir d’une rétrospective des politiques économiques et patrimoniales associée à une description de l’institution musicale traditionnelle du nord de l’Oman, je montrerai de quelle manière la succession des inflexions politiques et économiques ainsi que les crises « hors cadre » participent au remodelage du paysage des musiques traditionnelles d’Oman. Ici, l’accent sera mis sur les points de vue développés par les musiciens jeunes et moins jeunes : leur perception de la situation, leur compréhension des enjeux et leur stratégie d’adaptation face à leur intégration dans la nouvelle orientation économique et culturelle de l’Oman de ce début du XXIe siècle.
Le séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.
Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.
La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.