Évènements

Créolisations musicales avec Denis-Constant Martin, Aurélie Helmlinger et Nicolas Prévôt

Séminaire du CREM

Vendredi 07 Novembre 2025 14:00 - 18:00
MSH Mondes (bât. Weber), salle 2 (RDC)
200 avenue de la République, Nanterre

Présentation

D’après Édouard Glissant, « la créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou, au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments. » (Traité du Tout-Monde, 1997, p. 37) En partant de cette approche de la créolisation, il s’agira d’interroger si cette « donnée nouvelle, totalement imprévisible » a été rencontrée dans les musiques et performances nord-américaines, trinidadiennes, et indonésiennes présentées lors de cette demi-journée du séminaire du CREM.

Au travers d’études de cas particulières, qui mettent en jeu de manières diverses les productions culturelles qui ont émané des rencontres forcées à différentes périodes historiques entre colons européens, populations locales, esclavisé.e.s et afro-descendant.e.s, les travaux confronteront les référentiels multiples qui composent les imaginaires, les instrumentariums, les chants, les pratiques et représentations des musiques et performances issues de ces histoires connectées.

14h-15h15 :

Denis-Contant Martin (LAM, Sciences-Po Bordeaux)
La créolisation des musiques noires des États-Unis. L’intérêt des récits d’anciens esclaves recueillis dans les années 1930

Discussion collective

15h30-18h :

Aurélie Helmlinger (CNRS, CREM-LESC)
Les Midnight Robbers de Trinidad & Tobago : fabrique d’un discours créole

Nicolas Prévôt (UPN, CREM-LESC)
Fanfares de bambou à Sulawesi : « grand remplacement » musical ou créolisation ?

Discussion collective et remarques conclusives

 

dcmDenis-Contant Martin (LAM, Sciences-Po Bordeaux)
La créolisation des musiques noires des États-Unis. L’intérêt des récits d’anciens esclaves recueillis dans les années 1930

Dans le cadre du New Deal destiné à combattre les effets de la crise de 1929 aux États-Unis, le gouvernement du président Roosevelt lança un programme destiné à fournir du travail à des écrivains (Federal Writers’ Programme) ; dans ce cadre fut constituée une Collection de récits d’esclaves (Slave Narratives Collection). En dépit des problèmes méthodologiques posés par les conditions du recueil de ces récits, on y trouve une grande quantité d’informations sur les pratiques musicales et chorégraphiques des esclaves durant la dernière période de l’esclavage (des années 1840 aux années 1860). Ces informations, peu utilisées par les historiens des musiques noires des États-Unis, permettent d’enrichir l’analyse en termes de créolisation de la genèse des musiques noires de ce pays telles qu’elles apparaîtront au début du 20ème siècle (sous les étiquettes jazz, blues et gospel). Cette présentation introduira d’abord la problématique de la créolisation appliquée à ces musiques pour, ensuite, synthétiser les apports des récits d’anciens esclaves.

Fig. : Dance, Lynchburg, Virginia, 1853.

Denis-Constant MARTIN, directeur de recherches à la Fondation nationale des sciences politiques (à la retraite mais n’ayant pas souhaité être « émérite »), chercheur associé à LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences Po Bordeaux) a commencé par travailler sur l’analyse de régimes politiques en Afrique de l’Est puis dans les Caraïbes. Plus généralement, il a animé et produit des recherches sur les « identités » en politique, ainsi que sur les musiques et les fêtes populaires (carnavals notamment). Son intérêt pour la musique l’a poussé à développer des recherches en sociologie (politique) de la musique. Dans cette perspective, il a travaillé sur les musiques noires des Caraïbes de colonisation britannique (Jamaïque, Trinidad et Tobago) et des États-Unis, ainsi que sur les « musiques du monde ». Après plusieurs années d’enquêtes de terrain en Afrique du Sud, il a publié divers travaux sur le jazz et les musiques populaires sud-africaines, ainsi que sur les pratiques festives et musicales spécifiques au Cap. Il a publié deux volumes sur ces sujets : Sounding the Cape, Music, Identity and Politics in South Africa, Somerset West, African Minds, 2013 et Cape Town Harmonies, Memory, Humour and Resilience, Somerset West, African Minds, 2017 (avec Armelle Gaulier). Il a présenté un bilan de ses travaux en sociologie des musiques populaires dans : Plus que de la musique, Musiques, sociétés et politique, Caraïbes, États-Unis, Afrique du Sud, Paris, Mélanie Séteun, 2020.

aurélieAurélie Helmlinger (CNRS, CREM-LESC)
Les Midnight Robbers de Trinidad & Tobago :  fabrique d’un discours créole

On cherchera ici à comprendre ce que les propositions venues des intellectuels de la créolité (Glissant, Chamoiseau, Confiant, Bernabé) peuvent apporter à l’analyse d’une des figures emblématiques du carnaval de Trinidad & Tobago : les Midnight Robbers. Appartenant à la catégorie des « old mas », ou « traditional mas », les figures plus théâtrales, et perçues comme « anciennes », ou « traditionnelles », et décrites sous ce nom depuis le début du xxe siècle (Hill 1997 [1972], Cowley 1999), les Midnight Robbers sont caractérisés par un costume aujourd’hui inspiré par les révolutionnaires mexicains, avec un chapeau géant et des revolvers, et surtout un mode discursif érigeant la vantardise en art oratoire. Menaçants et hâbleurs jusqu’à la caricature, ils n’inquiètent jamais vraiment : on qualifie volontiers à Trinidad les rodomontades de « Robber talk ». On présentera les caractéristiques formelles du discours, et l’on verra comment le prisme des réflexions sur la créolité peut être opérant pour l’analyse de cette figure du carnaval.

Photo : Midnight Robber (© Preddie Partap 2010)

Aurélie Helmlinger (CNRS) LESC-CREM, UMR 7186, est spécialiste des steelbands de Trinidad & Tobago, et paniste (musicienne de steelpan). Au CNRS depuis 2009 au sein du Centre de Recherche en ethnomusicologie, elle a publié l’ouvrage Pan Jumbie en 2012, un travail dont l’approche pluridisciplinaire, associant anthropologie et sciences cognitives, avait été salué par le prix de thèse du Musée du Quai Branly (2007). Elle a entrepris le projet Pan-e-Pedia, une recherche sur les topologies des steelpans (ergonomie instrumentale), soutenu par la fondation Fyssen.

nicolasNicolas Prévôt (UPN, CREM-LESC)
Fanfares de bambou à Sulawesi : « grand remplacement » musical ou créolisation ?

En tant que symbole colonial, les fanfares n’ont cessé d’être réinventées par les habitants de Sulawesi du Nord (Indonésie) depuis plus d’un siècle, soit à partir de bambous emboîtés ou collés, soit à partir de plaques de zinc assemblées. Dans la péninsule de Minahassa et dans les îles Sangihe, on en compte aujourd’hui des centaines, réunissant souvent une quarantaine de musiciens d’un même village, qui perpétuent oralement un répertoire polyphonique néerlandais (hymnes, marches, valses, polkas, etc.) enrichi des musiques populaires indonésiennes ou occidentales. Avant même la colonisation hollandaise et les fanfares militaires, l’histoire de cette région est profondément marquée par l’évangélisation et l’œuvre des missionnaires européens, jusqu’à l’imposition d’un répertoire liturgique et d’un système musical qui semblent avoir remplacé toute pratique vernaculaire. Que reste-t-il de l’esthétique musicale et des valeurs locales ? Les musik bambu, fanfares de bambou, ont-elles effacé ou englobé le passé pré-colonial ? Sont-elles le résultat d’une substitution ou le fruit d’une créolisation ? A partir d’une ethnographie récemment entamée, cette présentation apportera probablement plus de questions que de réponses.

Photo : Sangihe, music bambu (© Nicolas Prévôt 2025)

Nicolas Prévôt est maître de conférences en ethnomusicologie (département d’anthropologie, Université Paris Nanterre), membre du Centre de recherche en ethnomusicologie LESC-CREM. Après s’être intéressé aux répertoires de fanfares rom du sud des Balkans et à leur manipulation à des fins identitaires, il a travaillé en Inde centrale sur les rapports entre un panthéon villageois et le répertoire musical qui lui est consacré lors de rituels de possession. Ses recherches portent plus largement sur les enjeux politiques associés à la musique et sur les applications possibles de l'ethnomusicologie, que ce soit dans les quartiers jouxtant l’université de Nanterre ou plus récemment dans le cadre du réaménagement des collections non-européennes du Musée de la musique-Philharmonie de Paris. Cette expérience muséale lui a donné l’opportunité de mener un nouveau terrain sur les fanfares de bambou du nord de l’Indonésie.


LESC CREM Picto C webLe séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu un vendredi après-midi par mois. Chaque séance croise les travaux de plusieurs chercheurs et étudiants autour d'une thématique commune, liéa à l'anthropologie du son, de la musique ou de la danse. Les recherches en cours, les problèmes théoriques ou méthodologiques ainsi que les documents de terrain y sont privilégiés. La rencontre dure quatre heures (avec une pause !) et laisse une large place à la discussion.

La participation au séminaire est ouverte à tous. Les étudiant·e·s sont encouragé·e·s à y participer, en particulier à partir du Master. 

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