Avec Sarah Andrieu*
À Abidjan (Côte d’Ivoire), la vitalité de certaines musiques populaires centrées sur la danse (le coupé-décalé en particulier), le développement de la 3G puis de la 4G, l’accès à des smartphones bon marché proposant des applications de captations vidéos et des logiciels de montage ainsi que le succès de certains réseaux sociaux ont modifié l’écosystème du vidéoclip musical et plus largement les pratiques des danseurs urbains en multipliant les formes et les espaces dédiés à la danse : « démo » centrée sur les « concepts » (pas de danse) associés au morceau, « défis » ou « challenge » en amont ou en aval de la sortie du vidéoclip au sein duquel les danseurs individuellement ou en groupe vont pouvoir dévoiler leur expertise corporelle et « clip » officiel né de la collaboration entre un réalisateur, un-e artiste chanteur/chanteuses et des danseuses/danseurs. Ces vidéos sont créées pour circuler sur différents réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Tiktok…), elles sont parfois reprises par des chaines télés (Trace Africa…) ou YouTube spécialisées (Gadoukou la star TV…) et se présentent pour les danseuses et les danseurs ivoirien.e.s et de la diaspora comme de nouveaux supports d’expression, de sociabilité et de visibilité ou chacun va s’attacher à se mettre en scène et dévoiler son expertise corporelle en proposant des pas de danses particulièrement virtuoses, exubérants et/ou acrobatiques appelés « roukasskass ».
Cette communication sera l’occasion de partager quelques pistes d’une recherche ethnographique en cours sur le monde des danses urbaines abidjanaises. Je m’appuierai sur un corpus de données issues de deux enquêtes de terrain menée en 2021 (avril à juin) et 2022 (juin) dans différentes communes de la capitale économique ivoirienne (Cocody, Yopougon, Abobo principalement) au cours desquelles je me suis attachée à « suivre » les danseuses et les danseurs dans leur différentes activités « en ligne » et « hors ligne ». Je reviendrai dans un premier temps sur les questionnements méthodologiques qui se sont posés au fil de cette enquête attachée à saisir les pratiques du numériques « par le bas ». Je proposerai dans un second temps une étude de cas centrée sur la trajectoire et les activités du danseur ivoirien Gadoukou La Star, créateur du premier label de danses urbaines en Afrique francophone. L’exploration de ce parcours artistique et entrepreneurial singulier permettra de revenir sur certains enjeux qui traversent le monde des danses urbaines à Abidjan : visibilité et mise en scène chorégraphique de soi ; outils numériques et nouveaux métiers de la danse ; reconnaissance et imaginaire de la réussite.
* Sarah Andrieu est anthropologue, maitresse de conférences au département des Arts de l’Université Côte d’Azur. Elle est membre du Centre Transdisciplinaire d’Épistémologie de la Littérature et des Arts vivants (CTEL) et membre associée à l’Institut des mondes africains (IMAF). Ses recherches, menées au Burkina Faso depuis 2002, portent d’une part sur les usages politiques des danses traditionnelles par l’état postcolonial et d’autre part sur les dynamiques de circulation d’esthétiques, de savoirs, d’imaginaires dans le champ globalisé de la « danse africaine contemporaine ». Elle ouvre actuellement de nouvelles recherches sur les vidéoclips et les danseurs urbains à Abidjan en Côte d’Ivoire dans le cadre du programme de recherche « Cultures du numérique en Afrique de l’Ouest : musique, jeunesse, médiation » (https://afrinum.hypotheses.org
Le séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.
Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.
La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.
Les membres du Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative (UMR 7186, Université Paris Nanterre/CNRS) réunis en Assemblée générale le 11 février 2025, expriment leur désaccord à la mise en place du label « Key Labs » que la Présidence du CNRS entend imposer.
Chercheur·es et enseignant·es-chercheur·es statutaires, personnels d’appui à la recherche, doctorant·es et docteur·es du Lesc, joignent leur voix aux nombreuses prises de position déjà exprimées à ce sujet, notamment par la Coordination des responsables des instances du Comité national de la recherche scientifique (C3N), la Conférence des présidents de sections du Comité national (CPCN), les Conseils scientifiques d’institut du CNRS, les sections (dont la 38), les présidences d’université, les directions d’unités de recherche, les sociétés savantes, associations et syndicats représentatifs de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ils affirment leur désaccord avec la méthode employée et l’absence de concertation et de transparence dont fait preuve la direction du CNRS. Ils expriment leur opposition aux objectifs et conséquences de ce projet, visant à concentrer les moyens du CNRS sur 25% des UMR actuelles. En labellisant un quart des laboratoires, cette réforme tend à hiérarchiser les unités et leurs agents, à déstructurer les collectifs de travail au fondement d’une recherche collaborative, au sein des unités et entre unités, et met en péril le foisonnement et la diversité nécessaire de la recherche.
Face à l’importance de la contestation suscitée par ce projet, Antoine Petit a annoncé un moratoire de plusieurs mois jusqu’à « l’été 2025 ». Les membres du Lesc demandent que les « Key Labs » soient définitivement abandonnés. Ils invitent en outre le CNRS à engager une véritable concertation avec les universités sur le financement et l’appui à l’ensemble des UMR dans le but d’assurer les conditions d’une recherche pérenne, juste et indépendante.