Avec Matteo Gallo*
En février 1986, alors que les émeutes pour l'indépendance s'intensifiaient dans la Nouvelle-Calédonie, lors d'une réunion dans une tribu de Canala (au nord-est de la Grande Terre), un groupe de jeunes se réunit pour réfléchir à la création d'une musique qui puisse représenter le symbole du peuple kanak et de sa quête de souveraineté. C'était le résultat d’exceptionnelles politiques de la culture inaugurés par le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou et d'une structure de circulation des connaissances” fortement liée aux revendications du peuple kanak. La rencontre de Canala donna naissance à un mouvement qui dépassa les frontières de la musique, créant un espace capable de générer une nouvelle vision politique et une nouvelle forme d'engagement et de souveraineté à travers l'art et les performances. Dans ce séminaire, je retracerai l'histoire de ce mouvement et j'expliquerai comment son développement a été étroitement lié aux phases historiques auxquelles le pays a été confronté et aux différentes politiques culturelles qui ont suivi. J'exposerai d'abord le contexte socio-historique qui a façonné la naissance du kaneka, et je mettrai en évidence ses enjeux politiques et les connexions pan-pacifiques existantes; ensuite, j'analyserai l'"âge d'or" du kaneka pendant les années 1990, son entrée dans l'industrie musicale la tentative d'institutionnalisation et son échec subséquent.Enfin, je présenterai le travail de la deuxième génération kaneka, qui, au cours de la dernière décennie, a produit une véritable renaissance du mouvement en avançant de nouvelles propositions artistiques et intellectuelles. J’essayerai de montrer que le kaneka ne peut pas être considéré uniquement comme un mouvement musical, mais plutôt comme un phénomène social complet, un espace d'action essentiellement juvénile, une forme d'engagement politique qui implique principalement un engagement artistique et culturel et une ré-interrogation de son propre patrimoine et histoire.
*Matteo Gallo est chercheur post-doctorant au Musée du Quai Branly (2020-2022),Cultore della Materia à l’Université « La Sapienza » de Rome et chercheur associé au CREDO Marseille. Il travaille depuis 2015 en Nouvelle-Calédonie, notamment dans la région Paici au nord de la Grande Terre. Ses recherches portent sur plusieurs thématiques liées aux : politiques mémorielles, relation entre chercheurs et autochtones, pratiques locales de valorisation et transmission du passé, avec une attention spécifique aux pratiques artistiques et culturelles des jeunes. Il a soutenu une thèse portant comme titre : Living Wisdoms in the Forest. Connections and Cultural Practices of Youth among the Kanak of Wëté valley, New Caledonia Universités de Vérone, Padoue, “Ca’ Foscari” Venise). Depuis 2020 s’intérêt à la relation entre la circulation des savoirs et le réveil de consciences politiques, à partir d’une étude du kaneka : un mouvement artistique et musical de la Nouvelle-Calédonie né dans les années ’80, pendant la période des revendications du peuple kanak.
Le séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.
Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.
La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.