Dans le travail que je présenterai, j’analyse le monde de la création musicale d’Ouzbékistan au prisme de la catégorie de « musique contemporaine », introduite dans le pays avec une nouvelle acception après la chute de l’URSS. Au lieu de prendre pour point de départ une définition préalable de cette catégorie, j’observe la manière dont les acteurs s’en emparent et les processus par lesquels elle est définie et instituée dans l’Ouzbékistan post-soviétique.
Je me concentre dans cette communication sur l’observation de deux institutions qui ont forgé et illustré la catégorie « musique contemporaine » à Tachkent depuis les années 1990 : le « Festival international de musique contemporaine Ilkhom-XX », qui a eu lieu tous les ans de 1996 à 2006, et la master class de composition organisée chaque année à Tachkent depuis 2005 par un ensemble musical indépendant avec le soutien de fondations étrangères et la participation de professeurs européens et américains.
Je montrerai à travers l’ethnographie comment la création musicale est directement concernée par les ruptures politiques, économiques et sociales qui marquent les sociétés de la zone post-soviétique. L’arrivée d’une musique contemporaine perçue comme occidentale, l’interprétation d’un répertoire jusque-là très rarement joué, et l’ouverture d’échanges artistiques avec l’Europe et les États-Unis contribuent à donner aux acteurs de la vie musicale l’impression d’un choc qui s’accompagne du déclassement de nombreux compositeurs dont la carrière avait commencé à l’époque soviétique. Les instances de jugement et les sources de financements, qui à l’époque soviétique venaient de l’État ouzbek et des institutions centrales de Moscou, se trouvent en grande partie réorientées vers les fondations européennes et américaines. Alors que le gouvernement ouzbek se lance dans un processus de construction identitaire qui s’appuie sur un héritage culturel pensé comme « pré-soviétique », certains acteurs mettent en œuvre des conceptions concurrentes de l’identité musicale du pays en s’inspirant des avant-gardes occidentales.
L’analyse à petite échelle, les entretiens multiples et l’observation de situations d’enseignement, de répétitions et de concerts permettent d’analyser cette tension et d’éclairer les « zones grises » afin de remettre en question l’image d’une opposition tranchée entre musique officielle et musique alternative.
Le séminaire du CREM (Centre de recherche en ethnomusicologie) a lieu deux lundis par mois, de 10h à 12h. Les chercheurs (doctorants compris) membres du CREM ou invités de passage y présentent leurs travaux en cours. Les présentations durent 50 minutes, et sont suivies d’une pause café et d’une heure de discussion.
Occasionnellement, le séminaire prend la forme d’un atelier rassemblant plusieurs chercheurs autour d’un thème commun. Il dure alors un après-midi ou bien une journée complète.
La participation au séminaire est ouverte à tous. Il fait par ailleurs partie du cursus des Master d’ethnomusicologie des universités Paris Nanterre et Paris 8 Saint-Denis.